La boutique d’Issam Zughair abrite un assortiment de lampes, petites et grandes, suspendues au plafond ou fièrement exposées à l’extérieur pour attirer l’attention des passants durant les soirées animées du mois sacré du jeûne musulman.
L’artisan de 67 ans a appris le métier avec son père, un charpentier qui fabriquait à l’origine des lanternes en bois.
« Mon père a ouvert ce magasin dans les années 1950, nous voulons préserver ce patrimoine », raconte-t-il à l’AFP, assis aux côtés de son épouse dans leur petite habitation au-dessus de l’entreprise.
La lanterne la plus imposante, créée spécialement pour le ramadan, mesure deux mètres de haut, et a la forme d’une mosquée. Elle est faite de métal et de verre, selon une technique qui remonterait au califat fatimide du 10ème siècle en Egypte.
« Je fabrique la plus grande lanterne en métal de Jérusalem, je suis sans rival à Jérusalem en la matière », assure M. Zughair.
Il importe ses matériaux d’Egypte et de Turquie et les façonne dans son échoppe. Il peut les agrémenter de versets coraniques, de formules religieuses ou de noms, au gré des clients.
La lanterne occupe une place particulière dans les rituels du ramadan, qui a commencé en début de semaine. Les musulmans jeûnent du lever au coucher du soleil et leurs activités nocturnes revêtent une signification supplémentaire. Traditionnellement, les lanternes jalonnent la voie des évènements religieux.
« Les lanternes nous rappellent le passé et la façon dont les gens vivaient », explique Issam Zughair.
Najeh Bkerat, de l’Académie Al-Aqsa pour la science et le patrimoine à Jérusalem, décrit les lanternes comme un symbole de la culture et du patrimoine islamiques, en particulier pendant le ramadan.
« La lanterne est une tradition connue dans le monde islamique. Les gens la portent pour refléter la lumière, la bonté et la joie associées au ramadan », dit-il.
Issam Zughair reçoit ses premières commandes un mois avant le début du jeûne. Ses clients sont des musulmans de Jérusalem ou de Cisjordanie, territoire palestinien voisin et occupé par Israël, ainsi que des Arabes israéliens, dont la majorité s’identifient comme Palestiniens.
Les lanternes se vendent entre 10 et 1.000 shekels (de 2,5 à 250 euros) selon la taille et le travail qu’elles réclament.
Mais les commandes ont chuté considérablement depuis le début en 2000 de la deuxième Intifada, le soulèvement populaire palestinien, regrette M. Zughair. Israël avait alors entrepris de construire un mur coupant Jérusalem de la Cisjordanie, nécessaire selon l’Etat hébreu pour se protéger des attaques palestiniennes.
« Avant l’Intifada, on venait acheter chez moi de toute la Palestine. Aujourd’hui, j’ai perdu 70% de mes clients », se désole-t-il.
Le pouvoir d’achat des Palestiniens de Jérusalem-Est a diminué de 30% depuis 2000, dit Ziyad Hamouri, un responsable du Centre des droits sociaux et économiques de Jérusalem, la coupure par le mur israélien des routes commerciales étant un facteur clé de cette baisse.
Pour Issam Zughair, l’autre difficulté est l’afflux d’imitations chinoises à bas prix.
« Je n’ai aucun concurrent sur le marché à l’exception de la Chine », affirme l’artisan.
Dans un magasin d’appareils électroménagers à l’intérieur d’une des portes fortifiées de la Vieille ville, un autre commerçant, Hamzeh Takish, présente une sélection de petites lanternes en plastique de fabrication chinoise, dont certaines jouent des chansons arabes populaires. Leur prix varie entre 15 à 20 shekels, soit entre 3,75 et 5 euros.
« Je ne vends pas les lanternes traditionnelles. Les gens d’ici cherchent des nouveautés. Tous les ans, ils (les producteurs chinois) proposent de nouveaux modèles », dit-il.
Alaa Wael, 27 ans, est venu acheter six lanternes, deux pour sa maison, les autres pour des proches. « Elles ne coûtent que 10 shekels, le reste m’importe peu », dit-il. « Ce qui est important, c’est qu’elles marchent et contribuent à l’atmosphère du ramadan ».
Les rues labyrinthiques de la Vieille ville se parent de lumières et de décorations pendant tout le mois. Quatre comités, représentant différents quartiers rivalisent pour enjoliver les extérieurs. Les comités offrent aussi de la nourriture aux nécessiteux.
L’un d’eux a mis en place une lanterne de 12 mètres en métal et en nylon, autour de laquelle les familles se rassemblent pour l’admirer.
« Nous commençons à travailler un mois avant le ramadan », dit Ammar Sidr, du comité de quartier de Bab Hata. « Nous avons de l’expérience quand il s’agit de décorer, de coordonner les couleurs et d’apporter une touche personnelle », se flatte-t-il.