Karim Achoui prend la défense de la sœur d’Adama Traoré, décédé dans des circonstances mystérieuses, pour connaître la vérité.
A l’heure où la France pleure d’être encore endeuillée par des attentats qui à jamais laisseront des plaies béantes en nos âmes et dans notre histoire, à l’heure où nous devrions nous unir, nous réunir, pour pleurer ensemble afin de panser les maux de notre humanité blessée, une autre peine est venue cinq jours plus tard s’installer en nos cœurs. Le 19 juillet, Adama Traoré a perdu la vie. Adama Traoré, ne sortira pas vivant de la garde à vue à laquelle il était placé par les forces de l’ordre devant garantir notre sécurité.. Garder à vue, cela ne signifie-t-il pas également veiller sur ? Garder à vue, en vie…
A l’heure où nos mains devaient être jointes, nos pas unis pour montrer que notre pays se tient debout bien que blessé, le décès de ce jeune homme de 24 ans, qui avait la vie devant lui, démontre les failles de notre société, nous plongeant dans l’incrédulité, laissant place à l’incompréhension. Faisant retentir plus fort encore le morne constat : la fracture sociale redoutable qui s’amplifie dangereusement. La où existe la fracture vivent la discrimination, la haine, l’injustice, l’inégalité de traitement entre les hommes.
A l’heure où nous devions marcher ensemble pour nos frères et sœurs citoyens, victimes de la barbarie des attentats, nous avons dû hier marcher pour Adama. Chaque pas fut un poids, chaque pas fut lourd. Le poids des larmes, mêlés à la rage et à la peine. Comment ne pas vouloir crier son désarroi ? Adama nous a quitté dans des circonstances troubles, en une période de tourment où notre pays est paralysé par la peur, la crainte tremblante colle au corps, agite les esprits, échauffe les réactions.
Que s’est-il passé ?
Il ne s’agit pas là, en aucun cas, d’accuser sans fondement les forces de l’ordre, il ne s’agit pas là d’attiser les haines et de maintenir le trouble. Mais de mettre en lumière les évènements qui ont entraîné le décès de ce jeune homme tant aimé des siens, de sa sœur jumelle qui m’a demandé de la représenter. Les déclarations de Monsieur le Procureur, relayées par la presse, ne sont pas assez claires, ni suffisantes pour une famille, une sœur qui vient de perdre sa moitié. Comment, sans être pessimiste, ne pas penser à une « bavure » ou à un acte de discrimination quand des études récentes prouvent que le nombre de Noirs tués aux USA par la police est en nette augmentation, quand Mediapart publie des articles consternants sur un état de fait avéré : la violence policière dans notre pays, le tout sécuritaire, le climat désolant dans lequel nous plonge notre gouvernement… De la démocratie à l’autoritarisme, vers la violence policière envers les immigrés, fils ou petits-fils d’immigrés (depuis ce temps, nous sommes tous Français mais cela n’est pas encore assimilé). Nous ne savons pas encore si, à ce jour, des violences auraient entraîné le décès d’Adama, nous ne savons pas, et nous ne voulons sûrement pas semer davantage de discorde en formulant des supputations absurdes.
Nous souhaitons simplement obtenir la vérité, les causes qui ont engendré ce si triste décès. Nous voulons la vérité et non pas une version de vérité accommodée ou édulcorée. Que lumière soit faite, afin qu’Adama puisse reposer en paix, que ses proches puissent savoir, que sa sœur puisse faire son deuil. J’interviens en ce jour, bénévolement, pour Hawa Traoré, j’interviens en ce jour en ma qualité de conseil, d’avocat inscrit au barreau d’Alger, car ce qui est arrivé m’a touché, car mes convictions profondes, mes combats veulent que je défende cette jeune femme, pour la mémoire de son frère, pour la mémoire d’Adama. Et je déploierai tout les moyens et toute mon énergie dans cette quête nécessaire de vérité.
J’accorde pour la dernière fois quelques lignes à ceux qui viennent polémiquer, quant à ma désignation, quant à mon statut, tenant des propos diffamants et blessants. User de cette tragédie humaine, afin de me salir ne me semble être que le signe d’une médiocre et pure bassesse. Dont l’indécence n’a d’égale que la faiblesse. La petitesse d’esprit mène malheureusement à ce genre de dérives irrespectueuses en des instants si peu propices. Des retours vous seront faits en temps voulu, une fois mon combat pour la vérité sur la disparition d’Adama terminé. Là est ma priorité. La seule, l’unique, fondamentale. Je me suis engagé pour sa sœur, pour sa mémoire. J’aspire à pouvoir travailler confraternellement en toute bonne intelligence avec tous les avocats choisis, malgré les aléas de la journée d’hier. Qu’ils voient ici une main tendue. Nous avons tous le même but, celui que justice soit rendue.