C’est l’un des phares du monde musulman sunnite. A ce titre, toute prise de position de ses dirigeants prend une portée et une valeur particulières auprès de la Oumma. Les théologiens de l’Université religieuse d’Al-Azhar, au Caire, sont en train de plancher sur une proposition de loi qui, si elle était votée, marquerait à coup sûr un tournant majeur dans la conception du « djihad » tel que prôné par les sources religieuses (Coran et hadiths). L’équipe emmenée par Ahmed al-Tayyib, le grand imam de la mosquée multi-séculaire, entend faire graver noir sur blanc la « totale incompatibilité entre la violence justifiée par des arguments religieux et la Charia ». Certes, cette avancée décisive doit beaucoup aux velléités sécuritaires du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, déterminé à terrasser les « terroristes » – dans lesquels il inclut les Frères musulmans – depuis son coup d’Etat aux dépens du premier président démocratiquement élu d’Egypte, l’islamiste Mohamed Morsi.
Fondements politiques et sécuritaires
Il n’empêche : le but demeure de « contrer la violence et la propagande sectaire haineuse déployée au nom de la religion », selon les propos d’al-Tayyib. Le projet de loi vise également à promouvoir la « coexistence fructueuse » entre les différentes confessions existant en Egypte, théâtre ces derniers mois d’attentats à répétition à l’encontre de la communauté chrétienne copte (qui représente 10% de la population du pays). Concrètement, le projet a été élaboré par un collège de cinq théologiens de renom, supervisés par Mohamed Abdel Salam, le conseiller juridique du grand imam d’Al-Azhar. Le texte du comité est le résultat d’un assemblage d’éléments extraits de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (datant de 1948), de la Constitution et du Code pénal égyptiens. Les juges qui auront à statuer sur la base de cette loi auront les mains libres pour définir les sanctions pour crimes de haine religieux. Si tant est que leur degré d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif est, lui aussi, respecté…