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L’avocat Asif Arif donne ses « Outils pour maîtriser la laïcité »

LeMuslimPost : Vous donnez, comme le titre de votre livre l’indique, des « Outils pour maîtriser la laïcité. » La laïcité est-elle si difficile que cela à maîtriser ? 

Asif Arif : La question de la maîtrise de la laïcité se pose parce que la tentation est grande de lui donner un aspect sauvage et lui faire dire ce qu’elle n’est pas ou de faire dire au droit ce qu’il ne représente pas. En réalité, la laïcité n’a pas réellement besoin d’être adjectivée, amendée ou encore précisée. Elle résulte d’un ensemble de textes législatifs, débattus depuis plusieurs années et qui fondent actuellement le droit applicable en la matière. Pour la maîtriser, il faut comprendre les concepts juridiques et historiques fondamentaux qui l’ont entourée et l’entourent encore aujourd’hui. Pour ce faire, rien de mieux que de revenir à la source, soit les textes de loi. La conception philosophique ou intellectuelle de la laïcité n’est pas celle qui répond à la réalité concrète du terrain – dont elle est souvent déconnecté en raison de son aspect intellectuel et peu concret – ou encore à la réalité juridique. Il convient donc de donner les outils aux Français pour comprendre, maîtriser et appréhender, toujours avec beaucoup d’humilité, ce qu’est la laïcité.

« La conception philosophique ou intellectuelle de la laïcité est déconnectée du terrain. Il convient donc de donner les outils pour la comprendre »

On voit aujourd’hui un véritable débat entre les défenseurs de la laïcité et d’autres qui ont une vision dévoyée de la laïcité comme le Printemps républicain. Pourquoi autant de tensions autour de ce sujet ?

Il faut d’abord poser un principe clair : quelle que soit la position, elle peut être entendue et débattue car nous sommes dans une société démocratique avec le principe de la liberté d’expression. Cependant, certaines positions ne sont pas retenues par le législateur en ce que la représentation nationale n’a pas estimé qu’elles étaient cohérentes avec l’avis des Français sur la question. Par ailleurs, ces dernières années, avec l’accentuation d’un phénomène de terrorisme mondiale qui a touché largement les pays Occidentaux, la question du fait religieux et de son rapport à une société laïque pose davantage d’interrogations. Or, à ces problématiques qui ne sont parfois pas simples à résoudre, les solutions apportées sont souvent binaires : choisir son camp, soit celui de la laïcité de rigueur soit celle de la laïcité de pacification. L’ouvrage que j’ai rédigé ne fait volontairement pas référence à toutes ces distinctions. Il vise à donner une approche plus neutre de la laïcité en se contentant de présenter ce qu’elle est. Force est de constater que la laïcité est un très bon outil du vivre-ensemble. 

En quoi raconter l’histoire de la laïcité aide à mieux comprendre ce concept ? 

Beaucoup d’individus qui parlent de la laïcité aiment donner des références historiques et dire dans les diners mondains qu’ils sont plus intéressants que les autres (rires). Or, comme je vous l’ai dit la notion de laïcité doit être abordée avec beaucoup d’humilité. Lorsqu’on fait des recherches liées à la laïcité, il convient nécessairement de se documenter sur l’histoire de la notion afin de déterminer ce que pensaient les pères fondateurs de la laïcité lorsqu’ils ont décidé de la mettre en place. Et surtout, après quelle succession d’éléments historiques a-t-on abouti à cette notion de laïcité. C’est à cela que sert une partie historique de la laïcité.

« Le principe de la neutralité de l’Etat à l’égard de ces citoyens qui permet d’assurer l’égalité devant la loi, le principe de la séparation des églises et de l’Etat et la reconnaissance de la liberté de conscience »

La laïcité a évolué et elle évoluera encore ?

Sûrement que notre perception de la laïcité évoluera. Or, la laïcité est un agrégat de principes très simples qui à mon sens sont immuables en l’état : le principe de la neutralité de l’Etat à l’égard de ses citoyens qui permet d’assurer l’égalité devant la loi, le principe de la séparation des églises et de l’Etat et la reconnaissance de la liberté de conscience. Il ne semble là y avoir des principes sur lesquels personne ne souhaite revenir car ils garantissent le vivre-ensemble et la paix sociale. Surtout ils évitent que l’Etat favorise une religion au-delà d’une autre et que, in fine, les citoyens souffrent de discriminations.

« La loi de 1905 n’a pas été établie pour une religion en particulier »

La loi sur la laïcité date de 1905. A l’époque, l’Islam n’était pas encore présent sur le sol français, en Métropole en tout cas. Est-ce que les migrations du XXe siècle nécessitent une nouvelle définition de la loi ?

La loi de 1905 n’a pas été établie pour une religion en particulier. Bien qu’elle fait suite à des siècles de querelle avec l’Eglise catholique, apostolique et romaine, il n’en demeure pas moins que les rédacteurs étaient bien au courant de la présence de plusieurs cultes et courants de pensées sur l’Hexagone. C’est pourquoi, ils ont d’ailleurs pris le soin de parler des « églises » au pluriel afin d’englober toute évolution future. On entend parfois parler de la loi de 1905 comme une loi du passée et désuète alors qu’en réalité les penseurs de cette dernière avaient une vision très claire de la société. A l’époque de la troisième république, les attentats commis par les anarchistes ne manquaient pas pour autant. Pour autant le législateur de l’époque a visé tous les courants philosophiques et religieux, sans distinction.

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