« La réalité c’est que j’ai blessé des gens que j’étais censé défendre et aider, et j’en suis profondément désolé », a-t-il affirmé après la publication depuis mercredi soir de plusieurs photos et d’une vidéo le montrant le visage maquillé de brun foncé (« brownface ») ou de noir (« blackface ») lors de soirées privées. Ces images datent du début des années 1990 à 2001.
« Je reconnais que c’est quelque chose de totalement inacceptable », a-t-il admis lors d’une conférence de presse à Winnipeg (Manitoba), après s’être promené dans les rues devant les caméras en compagnie d’un candidat libéral d’origine autochtone.
« Ce que j’ai fait a blessé des gens qui ne devraient pas être confrontés à l’intolérance et à la discrimination en raison de leur identité », a martelé M. Trudeau, dont la campagne est complètement occultée par cette nouvelle polémique, à un mois des élections législatives.
« Le fait est que je n’ai pas compris combien il peut être blessant de subir des discriminations chaque jour », a admis M. Trudeau, fils de l’ancien Premier ministre Pierre Elliott Trudeau. « J’ai toujours reconnu que je venais d’un milieu privilégié, et je dois reconnaître aujourd’hui que cela s’est accompagné d’un immense angle mort. J’en suis vraiment désolé, et je présente mes excuses ».
Ce long mea culpa est intervenu après la diffusion jeudi matin de nouvelles images d’un jeune Justin Trudeau grimé en Noir. Tournée au début des années 90 selon le parti libéral, cette vidéo sans son, floue, montre Justin Trudeau maquillé en Noir, vêtu d’un tee-shirt et d’un jean, s’amusant à faire des grimaces en levant les bras.
La vidéo a été transmise à la chaîne… par les Conservateurs eux-mêmes, a reconnu leur chef Andrew Scheer.
Mercredi soir, le magazine Time avait diffusé une photo datant de 2001 montrant M. Trudeau le visage maquillé de noir lors d’une soirée privée. Le dirigeant avait lui-même reconnu s’être également grimé lors d’un concours de chant dans son lycée quelques années plus tôt, au cours duquel il avait interprété une chanson du chanteur noir Harry Belafonte.
Mémoire floue
Interrogé pour savoir pourquoi il n’avait pas mentionné mercredi lors de son point l’existence de l’épisode de « blackface » immortalisé par la vidéo, il a assuré avoir oublié. Et il s’est refusé à dire si d’autres photos de même nature risquaient de faire leur apparition dans les prochains jours, disant craindre ses trous de mémoire…
Pourquoi n’a-t-il pas révélé plus tôt l’existence de ses « blackface » ? « J’étais trop embarrassé », a-t-il concédé.
Cette rafale d’images de « blackface » ou « brownface », des pratiques controversées souvent jugées racistes, intervient à un mois des élections législatives du 21 octobre, alors que les derniers sondages donnent les libéraux et les conservateurs au coude-à-coude.
Plusieurs célébrités ont été épinglées ces dernières années pour avoir arboré un « blackface », pratique qui remonte aux « minstrel shows » américains nés dans la première partie du 19ème siècle, des spectacles pendant lesquels des Blancs se noircissaient le visage pour jouer des Noirs et se moquer d’eux.
M. Trudeau, 47 ans, ardent multiculturaliste qui a nommé plusieurs ministres d’origine étrangère dans son gouvernement, a exclu de démissionner et s’est dit déterminé à poursuivre sa campagne jusqu’au bout.
« Trudeau a menti »
Ses principaux adversaires pour les législatives ont immédiatement réagi, mettant en doute la personnalité du Premier ministre sortant, qui cultive une image d’ouverture et de tolérance.
M. Scheer a une nouvelle fois tiré à boulets rouges sur son rival, qui brigue un second mandat.
« La chose qui me dérange le plus, c’est que Justin Trudeau a menti hier soir. Quand on lui a demandé s’il y avait d’autres incidents, il a dit qu’il n’y en avait qu’un seul, mais ce matin on apprend qu’il y en a d’autres », a lancé M. Scheer.
« C’est profondément troublant », a de son côté réagi Jagmeet Singh, chef du Nouveau parti démocratique (NPD). « C’est blessant pour beaucoup de gens », a ajouté le candidat de la gauche de confession sikhe, connu pour son turban. Il est le premier chef de parti au Canada issu d’une minorité ethnique.