Il faut « une relation forte et apaisée entre la République et les Français de confession musulmane. » Voilà comment Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, voyait la relation entre le gouvernement et les instances représentatives de l’Islam en France. Sauf que le ministre trouvait que le Conseil français du culte musulman (CFCM) n’en faisait pas assez. Si bien que, il y a huit mois, il avait déploré l’« immobilisme » du CFCM lors d’une rencontre informelle avec ses dirigeants et avait décidé de faire renaître de ses cendres la défunte Fondation des œuvres de l’Islam de France (FOIF). Le nom de Jean-Pierre Chevènement avait alors déjà été évoqué. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et l’ancien maire de Belfort va effectivement prendre les rênes de la Fondation de l’Islam de France.
Dalil Boubakeur rêvait du poste de Chevènement
Cette fondation a mis longtemps à accoucher, Bernard Cazeneuve voulant initialement que celle-ci gère le financement de l’Islam. Mais la loi de 1905 l’en empêche. Effet d’annonce oblige, il a fallu avancer et la fameuse fondation, qui se définit comme « culturelle », va être inaugurée le 12 décembre prochain. Ses statuts sont parus mardi dans un décret, de justesse. Une autre association, celle-ci gérant l’aspect cultuel de l’Islam, sera également créée. Pressenti à sa tête depuis plusieurs mois, Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, en sera effectivement le président. Avant de quitter la place Beauvau, Bernard Cazeneuve a rencontré tôt ce matin le recteur parisien pour lui annoncer la nouvelle. Dalil Boubakeur rêvait de prendre la présidence de la Fondation de l’Islam de France. Il faisait d’ailleurs tout pour cela, ralentissant notamment volontairement la dissolution de la FOIF dont il était le président. Il n’en sera finalement rien, et le recteur héritera d’un poste symbolique.
Un poste prestigieux sans marge de manœuvre
Comme nous vous l’annoncions il y a deux mois dans notre enquête sur la Fondation, l’Algérie a fait pression sur les autorités françaises pour trouver à Dalil Boubakeur un poste au sein de cette nouvelle instance. Mais l’ancien président du CFCM n’aura finalement réussi qu’à obtenir la présidence du Conseil d’orientation, l’association cultuelle née de l’instance du dialogue des pouvoirs publics avec l’Islam de France. Une association qui aura pour mission de « proposer et d’évaluer les programmes qui lui seront soumis. » Dans l’entourage du recteur de la Grande Mosquée de Paris, on affirme que ce poste « prestigieux » ne lui laissera « aucune marge de manœuvre. » La Fondation de l’Islam de France réunira donc son premier conseil d’administration le 8 décembre prochain… sans Dalil Boubakeur à qui Bernard Cazeneuve a offert un dernier cadeau avant son départ pour Matignon. Un cadeau symbolique qui a pour objectif de satisfaire les autorités religieuses algériennes et l’égo du recteur parisien.