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Campagnes antimusulmans, censure arbitraire, surveillance des militants noirs… Pour qui roule Facebook ?

Le site Bloomberg et d’autres sites d’investigations américains révèlent de nouvelles informations sur le côté obscur de Facebook. Diffusion de campagnes islamophobes durant la campagne présidentielle de 2016 aux Etats-Unis, censures de publications, vente de données sur des militants… De quoi Facebook est-il le nom ?

La France et l’Allemagne dépassées par la charia ? C’est l’idée avancée à travers les images de deux vidéos publicitaires mensongères, qui ont circulé sur Facebook et des sites de Google fin 2016 aux Etats-Unis. Des vidéos ciblées, diffusées lors des dernières semaines de la campagne présidentielle aux Etats-Unis et dans les états clés que sont le Nevada et la Caroline du Nord. 

https://www.youtube.com/watch?v=xIJVoumWYtQ

Dans la fausse vidéo touristique sur la France, on y voit des écoliers français s’entraînant à se battre pour le califat, des combattants djihadistes célébrés à l’Arc de Triomphe ou encore le célèbre tableau de la « Joconde » couverte d’une burqa. 

« Selon la charia, vous pouvez profiter de tout ce que l’Etat islamique de France a à offrir, aussi longtemps que vous suivez les règles », dit la voix-off au début de la vidéo. Un spot clairement islamophobe, qui sème la peur des musulmans et du terrorisme chez les électeurs.

Mais qui est derrière cette campagne et comment a t-elle pu se propager sur Facebook et Google ? Une enquête de Bloomberg révèle que cette campagne a été facilitée par une collaboration directe avec les employés de Facebook et de Google. Ils ont aidé à ce que ces annonces atteignent efficacement les publics visés, selon les rapports internes de l’agence publicitaire qui a mené la campagne. Cette agence de publicité numérique, c’est Harris Media, qui gère les campagnes de Secure America Now. 

Les annonces de Secure America Now, vues des millions de fois par les internautes

Secure America Now est un groupe à but non lucratif conservateur, qui se concentre sur les questions de politique étrangère des États-Unis. Durant la campagne de 2016, c’est donc ce groupe qui est à l’origine de la diffusion de messages anti Hillary Clinton et anti-islam. Mais ce n’est pas son premier coup d’essai. Secure America Now a été lancé en 2011 pour s’opposer à la construction d’un centre communautaire et d’une mosquée à Manhattan, près du site des attentats terroristes du 11 septembre 2001. En 2012, SAN a également créé une publicité avec pour vedette le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu. Celle-ci avertissait de la menace d’une arme nucléaire en Iran et avait été diffusée en Floride, précisément là où se trouvent les plus grandes communautés juives de l’état. 

Collaboration étroite de Facebook avec le parti populiste et anti-immigrés Alternative pour l’Allemagne (AfD)

Concernant la campagne électorale de 2016, le site d’information américain révèle que ce sont plusieurs millions de dollars qui ont été mis en jeu, mettant en rivalité les énormes machines que sont devenues Facebook et Google. Entre les deux plates-formes, les annonces auraient été vues des millions de fois.

En plus de ces vidéos, les électeurs des ‘swing states’ ont aussi reçus des publicités faisant un lien entre des sénateurs démocrates, des réfugiés syriens et des terroristes. « Arrêtons le soutien au terrorisme. Votez contre Catherine Cortez Masto », déclarait l’annonce, visant une sénatrice démocrate du Nevada. 

Le 8 octobre dernier, Brad Parscale, directeur numérique de la campagne du président Donald Trump, expliquait dans une interview que des employés de Facebook avaient travaillé dans l’équipe, choisis bien sûr pour leur allégeance au Parti Républicain. Pourtant, Facebook assure que ses services pour Trump étaient tout à fait standards, comme tout annonceur pourrait le faire pour un grand événement. 

Facebook a conçu une vidéo de propagande islamophobe

Le mois dernier, Bloomberg Businessweek, annonçait également la collaboration étroite de Facebook avec le parti populiste et anti-immigrés Alternative pour l’Allemagne (AfD), aussi représenté par Harris Media. Lors de réunions au bureau de Facebook à Berlin, les dirigeants ont encouragé l’AfD et Harris Media à utiliser Facebook Live en plus de ses dépenses publicitaires pour mieux cibler les électeurs allemands. 

Et cela va loin. L’année dernière, toujours en collaboration avec Harris Media, Facebook a conçu une étude de cas pour comparer la popularité entre différents formats publicitaires. La vidéo utilisée était intitulée « Are We Safe ? » (« Sommes-nous en sécurité ? »). Dans celle-ci, on y voit des images colorées des Etats-Unis, en opposition avec des images en noir et blanc de terroristes se réclamant de l’islam et ayant perpétré des attaques aux Etats-Unis. Facebook a testé 12 versions différentes de la vidéo. Il a ensuite mené une enquête auprès des utilisateurs qui avaient visionné la vidéo pour voir quel format était le plus populaire.

Les responsables de Facebook et Harris Media ont refusé les interviews des journalistes de Bloomberg et le réseau social a déclaré qu’il n’a jamais voulu influencer les électeurs. Une déclaration en contradiction avec son marketing. Sur une page Facebook détaillant la campagne publicitaire du sénateur Patrick Toomey (parti républicain) par exemple, se trouvait l’intitulé : « le meilleur contenu pour influencer les électeurs ».

Mise sous surveillance des activistes noirs

Mais le réseau social est l’objet de bien d’autres critiques. Facebook a pris l’engagement d’arrêter la pratique de la vente de données utilisées pour garder un œil sur les activistes et les manifestants et il ne vend pas de données directement à la police. Mais des sociétés telles que Media Sonar, Snaptrends et Geofeedia paient Facebook pour l’accès aux données de profils, qu’elles reconditionnent ensuite. Facebook jouerait sur ses accords de confidentialité afin de ne pas être poursuivie par l’ACLU (Union américaine pour les libertés civiles). Ainsi une société de surveillance peut voir qui est un manifestant du mouvement Black Lives Matter ou un musulman qui a «aimé» les pages Facebook anti-police.

Des règles de censures bien opaques chez Facebook

Enfin, en juin dernier, le site d’investigation Pro Publica a enquêté sur la façon dont Facebook censure les contenus racistes ou à caractère haineux postés sur le réseau social. Facebook a décidé que devaient être effacées toutes les attaques basées sur la race, le genre, la religion, l’origine nationale, l’ethinicité, l’orientation sexuelle, le handicap et la maladie.

Mais le réseau de Marc Zuckerberg a également une autre liste de catégories non protégées. On peut donc insulter des gens sur leur âge, leur apparence, leur emploi. Les pays, les idéologies politiques et les religions peuvent également être critiquées. Ainsi, selon les règles de Facebook, si un groupe de personne appartient aux deux catégories (protégée et non protégée), alors le groupe n’a pas à être protégé. 

Des appels à assassiner les musulmans non censurés

Un exemple permet d’illustrer ce mécanisme, et de mieux comprendre les règles de censure de Facebook. Après l’attaque terroriste de Londres le 3 juin 2017, un représentant au Congrès américain a appelé au meurtre des musulmans « radicalisés ». Facebook avait décidé de ne pas censurer son post. En mai, alors que la poète afro-américaine Didi Delgado avait écrit que «tous les blancs étaient racistes», son texte avait lui été effacé. 

Selon la logique du réseau, les musulmans radicaux font partis du sous-groupe «radicalisés », donc ne peuvent pas être protégés. Les blancs font partis d’un groupe qui doit être protégé et d’un groupe plus large, c’est pourquoi le post de la poète a été supprimé. 

Un deux poids deux mesures similaire est observable en France avec la prolifération des messages islamophobes, des menaces envers les femmes portant un foulard ou les appels au meurtre de musulmans après chaque attentat terroriste.

Facebook convoqué devant le Congrès américain le 1er novembre

Pro Publica donne un autre exemple révélateur. Parmi les publications que Facebook n’a pas supprimées figurent les commentaires de Donald Trump sur les musulmans. Quelques jours après les attentats de Paris en novembre 2015, Trump, alors candidat à la présidence, avait publié un post sur Facebook appelant à une fermeture des frontières aux ressortissants de pays musulmans.

Un post qui semble violer les règles de Facebook, contre les « appels à l’exclusion » d’un groupe religieux protégé. Mais deux raisons peuvent expliquer l’autorisation de Marc Zuckerberg. L’une parce que cela faisait partie du discours politique du candidat et l’autre car les immigrants musulmans font partie d’un sous-groupe. 

Toutes ces révélations sur le fonctionnement de Facebook, son implication pernicieuse dans la vie politique, sont influence sur le mode de pensée des internautes et sa protection douteuse des données des utilisateurs du réseau, ont de quoi faire froid dans le dos… 

Mais le géant devra bientôt s’expliquer sur certains points. En effet, avec Twitter et Google, le réseau social est convoqué le 1er novembre 2017 au Congrès américain. Le Sénat et la Chambre des représentants ont demandé des explications sur une possible influence russe dans l’élection présidentielle de 2016. ll s’agit de déterminer si ces réseaux ont pu être utilisés par la Russie pour interférer sur l’élection présidentielle, remportée par Donald Trump. 

Entre temps, les millions d’utilisateurs musulmans de Facebook devront se poser la question s’ils y sont bienvenus ou non.

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