Les musulmans de Québec sont excédés, et on le serait à moins. Un référendum organisé pour les habitants de Saint-Apollinaire, petite localité de banlieue de 6000 habitants, a rejeté la proposition faite par le Centre culturel islamique – et soutenue par le maire de Québec – d’y créer un cimetière musulman. La pilule a d’autant plus de mal à passer que la communauté est encore accablée par l’attentat perpétré en janvier dernier par un habitant de cette bourgade, qui a coûté la vie à six fidèles de la mosquée. Et parmi ces six victimes, les corps de cinq d’entre elles ont justement dû être envoyés dans leur pays de naissance faute de place dans le carré musulman du cimetière québécois – quant au 6ème défunt, il a été enterré près de Montréal. Ainsi, sur les 49 résidents directement concernés par le référendum organisé ce dimanche, 19 ont voté contre le projet et 16, pour (avec 13 abstentionnistes et un vote nul). Un rejet qui a fait la une des quotidiens locaux, dans un pays qui se targue de savoir bien accueillir et traiter ses immigrés. « L’ignorance et l’incompréhension ont gagné », ont commenté Mohamed Labidi, le président du centre islamique, et Bernard Ouellet, le maire de Saint-Apollinaire. Même l’appel au « oui » et à offrir « un signe de respect à une autre religion » formulé par Cyprien Lacroix, l’archevêque catholique de Québec, n’aura pas suffi à convaincre la poignée de résidents concernés.
« Nous nous sentons déjà envahis ! »
Or, une explication est peut-être à trouver dans la composition sociologique de Saint-Apollinaire. Comme de nombreux villages ruraux, et en dépit de sa proximité avec Québec, cette localité ne compte parmi ses habitants aucun représentant des minorités religieuses. Néanmoins, un entrepreneur de la région avait offert de vendre une superficie de 6,5 hectares, adjacente au centre islamique, qui aurait permis de dégager un millier de places d’enterrement. Ayant eu vent de ce projet, les habitants de la bourgade ont pris appui sur les dispositions légales qui leur permettent, en cas de modifications de zones, d’exiger un référendum. En mars dernier, un opposant local au projet avait justifié sa position en déclarant : « Nous nous sentons déjà envahis ! » Même si ce sentiment reste minoritaire au Canada, qui a accueilli à bras ouverts quelque 40 000 réfugiés syriens, il ne fait pas de doute que l’islamophobie s’est – aussi – incrustée dans la Belle Province.