De Laurent Bouvet à… Jean-Louis Bianco. Ils ont beau se connaître depuis trente ans et, selon le premier, entretenir « d’excellentes relations », il ne fait aucun doute que la conception de la laïcité est bien différente entre les deux hommes, qui siègent pourtant tous les deux au Conseil des sages sur la laïcité.
Treize membres figurent dans ce Conseil, annoncé par le ministre de l’Education nationale en décembre dernier, afin de travailler sur les problèmes de laïcité à l’école. Ces experts choisis sciemment de « tous horizons » auront donc pour mission de « préciser la position de l’institution scolaire en matière de laïcité et de fait religieux ».
Une tâche qui s’avère déjà complexe entre ses membres. Les uns sont porteurs d’une interprétation offensive de la laïcité comme Laurent Bouvet, cofondateur du Printemps républicain, la philosophe Catherine Kintzler ou Alain Seksig, ancien membre du Haut comité à l’intégration (HCI).
Les autres ont une vision plus libérale de la laïcité comme Jean-Louis Bianco, le philosophe Abdennour Bidar, l’universitaire catholique Rémi Brague ou encore l’islamologue Ghaleb Bencheikh.
Nous risquons de « renouer avec un débat très clivant » (syndicat enseignant)
La composition du groupe est donc déjà l’objet de critiques (y figurent également une juriste, une inspectrice, un formateur d’enseignants et le haut fonctionnaire Richard Senghor).
En effet, chez certains syndicats d’enseignants, on s’inquiète dès à présent de la trop grande disparité entre ces personnalités pour apporter une position commune et répondre efficacement aux interrogations des professeurs.
Ces derniers, en cas d’incident lié à la laïcité, devront s’adresser à leur chef d’établissement, qui lui-même pourra faire appel à « l’unité laïcité » de l’académie — des unités mises en place début 2018. L’unité pourra également faire remonter les problèmes jusqu’à ce fameux Conseil des sages.
Mais pour Frédérique Rolet, secrétaire générale du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU), nous risquons surtout de « renouer avec un débat très clivant. » « On sait bien que le sujet de la laïcité est souvent idéologisé. Or le plus gros service qu’on puisse rendre aux équipes pédagogiques, ce serait d’éviter de rallumer des polémiques… », s’est-elle confiée au Parisien.
Un Conseil des sages déjà à l’œuvre
Sur le terrain, on s’interroge aussi sur la pertinence de ce Conseil, alors même que des « référents laïcité » ont été mis en place au sein des académies lors du quinquennat précédent et qu’un « livret laïcité » d’une trentaine de pages a également été publié il y a seulement un an.
Trop tard. Même si la liste a été très récemment dévoilée, les travaux du Conseil des sages ont bel et bien déjà commencé. Depuis mi-janvier, les différents protagonistes se réunissent pour parler laïcité. Alors que Jean-Louis Bianco prône une vision libérale de la laïcité, il doit faire face au très catholique Rémi Brague, à Laurent Bouvet, donc, ou encore à Patrick Kessel, qui a présidé le très controversé Comité Laïcité République. Au vu du pédigrée de ces derniers, lors des rencontres du Conseil des sages, il risque donc d’être un peu question de laïcité, mais surtout d’Islam.