Il y a trois ans prenait fin Mare Nostrum, une opération de recherche et de sauvetage qui a permis de sauver 130 000 réfugiés en Méditerranée. Mise en place après le drame de Lampedusa — un naufrage en 2013 qui avait causé la mort de 356 personnes —, elle est arrêtée dès 2014 après des critiques sur son coût et accusée de faciliter le passage des clandestins.
Elle sera remplacée par l’opération Triton, de l’agence européenne FRONTEX. Une opération beaucoup moins ambitieuse, avec certes des patrouilles dans les eaux territoriales italiennes mais sans mandat ni équipement pour procéder à des sauvetages en mer.
Ainsi, des organisations non gouvernementales sont intervenues et ont lancé leurs propres missions de sauvetage. Mais celles-ci seraient régulièrement empêchées de mener à bien leurs actions en mer, selon des chercheurs du Transnational Institute (think tank hollandais qui étudie l’impact et les conséquences de la mondialisation économique dans de nombreux domaines).
Les ONG accusées de complicité avec les passeurs
Ben Hayes et Frank Barat dénoncent les procédures administratives qui entravent les opérations des ONG, restreignent leur l’assistance aux réfugiés et font de la Méditerranée une « fosse commune ». L’Agence européenne des frontières et des garde-côtes (anciennement Frontex) aurait saboté les actions des ONG de recherche et de sauvetage, en les accusant d’avoir collaboré avec des trafiquants. En Italie, des agents secrets se seraient infiltrés dans les opérations des ONG et plusieurs navires auraient été saisis. En août dernier, les fascistes de Génération Identitaire ont également empêché le sauvetage des migrants par des ONG en mer avec leur propre bateau, dans le cadre de leur opération « Defend Europe ».
« La criminalisation de la solidarité des réfugiés est la dernière salve d’une politique européenne visant à empêcher les réfugiés de pénétrer dans les Etats membres de l’UE à tout prix, en les laissant se noyer », écrivent-ils sur le site Euroactiv le 30 octobre.
En plus du boycott des missions de secours en mer, les deux chercheurs évoquent aussi la répression envers d’autres militants en Europe, traités comme des criminels et non comme des héros. Ils citent notamment le berger français, Cedric Herrou, de la vallée de la Roya ou Lisbeth Zornig Andersen, une Danoise condamnée à une amende en 2016 pour avoir ouvert sa maison à des familles de réfugiés sans abri.
Plus de 10 000 personnes disparues en Méditerranée depuis 2014
« Il y a trois ans, les citoyens européens sont intervenus là où leurs dirigeants ont échoué, montrant la compassion et la solidarité sur lesquelles l’UE est fondée. Il est temps pour les politiciens européens de montrer le même courage », ajoutent Ben Hayes et Frank Barat.
Pour rappel, plus de 10 000 personnes sont décédées depuis 2014 en mer Méditerranée. Depuis le début de l’année, 2 250 migrants sont disparus, le plus souvent morts par noyade ou asphyxie sur des canots de fortune, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). L’ONG Amnesty International, craint que « si aucune disposition n’est prise », l’année 2017 devienne « la plus meurtrière sur la route migratoire ».