Facebook est dans la tourmente. Hier, le célèbre fondateur du réseau social, Marc Zuckerberg, était prié de s’expliquer devant la Chambre des représentants aux Etats-Unis à propos du scandale Cambridge Analytica, (les données de 87 millions d’utilisateurs ont été récupérées).
Une fois encore, le PDG de Facebook a tenu à présenter ses excuses, comme à chaque crise :
« Nous n’avons pas fait assez pour empêcher ces outils d’être utilisés à mauvais escient. Nous n’avons pas pris suffisamment conscience de notre responsabilité, et c’était une énorme erreur. C’était mon erreur, et je vous présente mes excuses. »
« Les bouddhistes ultranationalistes ont leurs propres pages et se livrent à de l’incitation à la violence et à la haine contre les Rohingyas »
Mais les sénateurs se sont montrés intransigeants vis à vis de Marc Zuckerberg, relevant les nombreuses failles du réseau social et notamment la possibilité d’achat de drogue via Facebook, le risque d’usurpation d’identité, la liberté d’expression ou encore le trafic d’ivoire dans des groupes privés.
Mais récemment, les Nations Unies ont également aussi pointé du doigt le rôle de Facebook dans la crise des Rohingyas en Birmanie. Devant le Conseil des droits de l’Homme à l’ONU à Genève, l’enquêtrice Yanghee Lee a souligné l’existence de nombreux posts haineux ou de désinformation sur le réseau social :
« Il est utilisé pour transmettre des messages à la population mais nous savons aussi que les bouddhistes ultranationalistes ont leurs propres pages et se livrent à de l’incitation à la violence et à la haine contre les Rohingyas et d’autres minorités ethniques. J’ai peur que Facebook se soit maintenant transformé en une sorte de monstre, et pas en ce à quoi il était initialement destiné », a t-elle déclaré.
En effet, Facebook a pendant longtemps été la plateforme du moine bouddhiste extrémiste Wirathu, qui publiait régulièrement des messages contre la minorité Rohingya. Son compte a finalement été fermé en février dernier.
Mais les conséquences de tels posts ne sont pas moindres, car Facebook est très populaire en Birmanie, comptant près de 30 millions d’utilisateurs. Il est aussi une source d’information importante pour les Birmans. Pour Marzuki Darusman, qui préside la mission d’enquête internationales des Nations unies en Brimanie, le réseau a clairement été utilisé pour manipuler l’opinion et diffuser une haine anti-musulmans.
« Les musulmans étaient décrits comme des chiens et des vermines »
Un rapport de l’Institute for War and Peace reporting (IWPR) révèle que les messages haineux se sont répandus sur Facebook dès le début de la crise, d’abord isolés puis de plus en plus organisés.
« Ils sont devenus davantage déterminés et même militarisés. Par ‘militarisés’, j’entends qu’ils rapportaient par exemple que des mosquées à Rangoun étaient utilisées pour stocker des armes ou bien que certains membres arboraient le drapeau noir et blanc de Daech alors que ce n’était clairement pas le cas… », explique l’analyste de l’Institut Alan Davis à RFI.
« Les commentaires incendiaires et les insultes ethniques étaient typiques. Les musulmans étaient décrits comme des chiens et des vermines qui n’avaient pas leur place dans le pays et menaçaient l’existence même de l’Etat », écrit Alan Davis dans un article pour l’institut War and Peace Reporting.
Il explique également avoir relevé peu de discours de haine dans les journaux, la grande majorité des insultes et rumeurs se trouvant sur les réseaux sociaux et en particulier Facebook.
« Je crains que certaines personnes y aient véritablement cru et que se soient réellement mises à diaboliser certaines factions de la communauté et à les harceler. Le problème est que l’on a sûrement déjà atteint un point de non-retour. On peut déjà constater les dégâts et c’est très difficile de revenir en arrière », ajoute t-il à RFI.
Mais désormais d’autres messages de haine sur Facebook contre la minorité musulmane, se répandent également au Sri Lanka, en proie à des violences intercommunautaires. Un post appelle notamment à « tuer tous les musulmans, sans épargner un seul enfant, parce que ce sont des putains de chiens », comme le rapporte un article du Monde sur le sujet.
Ce post très violent à été signalé, mais le réseau social aurait mis près d’une semaine à répondre, concluant que ce texte était conforme aux « standards de la communauté ». Le gouvernement sri-lankais a ainsi dû bloquer l’accès à Facebook durant plusieurs jours pour calmer la flambée de violence. Désormais, le travail de modération de Facebook est plus que jamais attendu.