« Cette France abandonnée aux islamistes. » Voilà comment Le Figaro Magazine titre sa une, ce vendredi 13 janvier. Sur cette couverture, on nous promet du lourd : des médecins, des profs et des policiers « brisent la loi du silence. » Il faut dire que le sujet est tabou. D’Islam, il n’est que très peu question dans les médias ces dernières années. Non ? Ah bon. Le Figaro Magazine est certainement, avec Valeurs Actuelles, l’un des magazines qui titrent le plus sur l’Islam. Et ce n’est pas nouveau. En 1985 déjà, ce même magazine mettait à la une un buste de Marianne coiffé du foulard islamique et titrait : « Serons-nous encore français dans 30 ans ? » Le Figaro Magazine est-il, à ce point, obsédé par l’Islam ? Avec des ventes en baisse de près de 2,8 % entre 2014-2015 et 2015-2016, il faut vendre du papier. Et l’Islam fait vendre, la preuve avec les livres consacrés à l’Islam qui cartonnent dans les librairies. Ce n’est pas Michel Houellebecq ni Michel Onfray qui diront le contraire. En 2012, le directeur des ventes du Point, Jean Girault, réfutait dans une interview à 20 Minutes l’idée selon laquelle l’Islam fait vendre. Mais il admettait tout de même que la une de son magazine sur « Cet Islam sans gêne » avait été vendue à près 105 000 exemplaires, ce qui correspondait à « 15 % de plus que la moyenne. »
La une du @Le_Figaro Mag de demain avec un dossier passionnant et effrayant consacré à l’islamisation des banlieues. pic.twitter.com/MKhaDHFn8i
— Alexandre Devecchio (@AlexDevecchio) January 12, 2017
L’islamophobie, une vitrine pour Le Figaro Magazine
Au-delà de l’aspect purement économique, en sortant des unes sur l’Islam, Le Figaro Magazine pose les jalons de la ligne éditoriale du groupe. Toujours dans 20 Minutes, Jean-Marie Charon, sociologue spécialiste des médias et chercheur au CNRS, expliquait que « l’enjeu de ces unes, c’est avant tout la dimension ‘vitrine’. » Et cette vitrine, au Figaro, on en est fier. Ainsi, Alexandre Devecchio, journaliste au quotidien, se félicite par exemple de ce « dossier passionnant et effrayant consacré à l’islamisation des banlieues. » Jouer à faire peur fait donc partie de la méthode Figaro Magazine. Jean-Christophe Dubuisson, directeur adjoint du titre, lui, aime à faire sur Twitter la promotion du livre de Georges Bensoussan, « La France soumise », racontant comment des musulmans font la loi dans notre pays. Dans ce livre, dont Le Figaro Magazine a publié des extraits, de nombreuses anecdotes ayant pour objectif de faire peur. Faire peur, c’était aussi le but du titre lorsqu’il a titré « Molenbeek-sur-Seine » pour parler de Saint-Denis. Une contre-enquête avait permis de montrer que plusieurs témoignages et anecdotes avaient été largement adaptés par la journaliste. Mais qu’importe, au Figaro Magazine, on ne s’embarrasse pas avec la vérité. Jean-Marie Charon explique d’ailleurs qu’il ne s’agit pas plus, pour les magazines, de réaliser des dossiers symboliques plutôt que de faire un bon travail journalistique. « En réalité, ce ne sont pas des enquêtes de fond, c’est plutôt une manière de jouer sur quelques symboles à un moment donné. Mais ce sur quoi ils surfent, c’est un climat où l’Islam est montré du doigt », explique le chercheur. Et ça fonctionne. Avec la même recette, Valeurs Actuelles fait un carton. Au cours des trois dernières années, l’ensemble des ventes du magazine a progressé de… 37 %. Pointer l’Islam du doigt peut rapporter gros.