Lors d’une conférence de presse organisée ce jeudi, la Fondation de l’Islam de France a fait le bilan de sa première année d’existence. Après avoir été largement critiquée quant à son efficacité réelle, elle assure désormais « être sur orbite » et a rappelé à maintes reprises sa vocation non pas cultuelle mais culturelle, éducative, sociale et laïque.
« Nous souhaitons combattre par la culture et la connaissance l’idéologie salafiste primaire et brutale qui nourrit le djihadisme », a indiqué, en guise d’introduction, Jean-Pierre Chevènement, qui entend à travers sa fondation faire émerger en France « un islam cultivé ».
Jean-Pierre Chevènement veut former des « imams Bac + 5 »
Pour cela, la Fondation dit s’être attaquée à la « formation profane » des imams, en délivrant notamment une centaine de bourses pour les 450 étudiants en théologie, imams ou aumôniers des diplômes universitaires « laïcité, société, religions » ainsi qu’une cinquantaine de bourses pour leur apprentissage du français. « Le prêche du vendredi doit être dit en français », martèle l’ancien ministre, qui souhaite des « imams bac +5 ».
Ce dernier a également souligné le faible niveau de l’islamologie en France (beaucoup de soi-disant ‘experts’ de l’Islam ne sont en effet pas des islamologues au sens premier du terme) et veut promouvoir la constitution d’un réseau de chercheurs via un partenariat avec le CNRS et environ 500 000 euros de budget.
La Fondation a annoncé la mise en place de formations d’islamologie à Paris, Aix, Strasbourg et à Saint-Denis de La Réunion, qui engloberaient l’étude du Coran, des hadîths, du droit musulman, de la théologie, du soufisme et de la philosophie, très peu enseignés au sein des universités françaises. Il est également question de soutenir la traduction d’ouvrages de penseurs réformistes musulmans et de manuels d’islamologie allemands et américains.
L’ouverture d’une faculté de théologie musulmane à Strasbourg ?
Souhaitant donner « un coup de pouce » à l’Islam, comme il l’a annoncé dans une interview au Parisien hier, Jean-Pierre Chevènement a même suggéré l’ouverture d’une faculté de théologie musulmane à Strasbourg, bien que l’Islam ne soit pas reconnu dans le régime concordataire de l’Alsace-Moselle. Il a estimé qu’il serait « discriminatoire » de ne pas reconnaître la religion musulmane.
Concernant la jeunesse, la Fondation a élaboré dès ses débuts un partenariat avec les Scouts musulmans de France, en organisant notamment un camp l’été dernier, pour « initier les jeunes aux valeurs républicaines ».
Elle entend continuer sa bataille sur le net, via un « campus numérique » : une plateforme où interviennent notamment Henry Laurens (professeur au Collège de France), Pascal Blanchard (historien) et Jacqueline Chaabi (professeure en Études arabes à l’université de Paris-VIII). Ces universitaires de renoms sauront-ils captiver des jeunes adeptes de vidéos YouTube et répondre à leurs questions sur l’Islam ? Pourront-ils freiner la « radicalisation » de la jeunesse ? Pas si sûr. On est en droit de s’interroger sur le caractère élitiste, voire déconnecté de la réalité, de telles ressources documentaires.
Un budget de plusieurs millions d’euros pour les trois années à venir
Quoi qu’il en soit, selon Sadek Beloucif, président du conseil d’orientation de la Fondation, environ 6 000 élèves apprennent l’arabe dans le domaine scolaire, et quinze fois plus dans les associations. Une tendance qu’il aimerait inverser pour promouvoir l’apprentissage de cette langue mais aussi du turc et du persan à l’école.
Enfin, Jean-Pierre Chevènement a revisité ses « classiques » concernant la civilisation musulmane, insistant sur Avicenne, « Les Milles et Une Nuit », ou encore l’émir Abdelkader, dont le portrait a fièrement été accroché dans son bureau. L’ancien sénateur s’est félicité de la préparation d’une grande exposition sur ce thème d’ici deux ou trois ans et a rappelé ses partenariats avec les grands musées comme le Mucem, l’Institut du Monde Arabe ou encore le Louvre.
Beaucoup d’ambition ‘culturelle’ donc pour la Fondation de l’Islam de France, qui ne manque pas de ressources financières. Son budget se chiffre à plusieurs millions d’euros. Elle hérite notamment d’un million d’euros de l’ancienne Fondation pour les œuvres de l’Islam de France. Elle bénéficie aussi de subventions du ministère de l’Intérieur à hauteur de 1 million d’euros, de 300 000 euros de frais de fonctionnement, ainsi que d’une enveloppe action de 900 000 euros pour les trois années à venir. Un argent provenant de l’Etat mais aussi d’entreprises comme Aéroports de Paris, de la SNCF et du bailleur SNI.