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Hakim El Karoui est-il en train de devenir le Monsieur Islam d’Emmanuel Macron ?

« Il faut que Macron propose un deal aux musulmans. » La phrase est signée Hakim El Karoui. Dans une enquête du Point, le très influent membre de l’institut Montaigne envoie un message fort à l’exécutif. Si Emmanuel Macron avait prévu un discours fort sur la laïcité, il a finalement abandonné l’idée. De quoi agacer ceux qui s’érigent en défenseurs de la laïcité et qui en profitent pour fustiger l’Islam. Car pour ces personnes-là, c’est évidemment de la religion musulmane dont il est question. Emmanuel Macron a longtemps semblé déterminé à ne pas aborder ce sujet officiellement, avant de se lancer dimanche dernier dans le JDD.

Reçu place Beauvau et soutenu par Jean-Michel Blanquer

Auteur de « L’Islam, une religion française », Hakim El Karoui espérait que le président de la République se positionnerait rapidement sur cette thématique. Espérant pouvoir souffler à l’oreille d’Emmanuel Macron. En attendant que ce dernier ne le consulte — si ce n’est déjà fait —, Hakim El Karoui écume les studios de radios et les différentes rédactions parisiennes. Le fondateur du très sélect Club XXIe siècle parle aux journalistes d’Islam, d’islamisme, de réforme du culte musulman.

Ce travail médiatique ne sert qu’à consolider un réseau déjà bien solide : Hakim El Karoui peut compter sur le soutien de Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l’Education est en effet un fidèle de l’institut Montaigne et Hakim El Karoui a également été reçu en fin d’année place Beauvau. Le fondateur du Club XXIe siècle a aussi directement accès à Emmanuel Macron. Très influent lors de la campagne présidentielle au sein de l’équipe de celui qui était alors ministre de l’Economie, Hakim El Karoui a rivalisé d’idées pour tenter de réformer l’Islam en France.

Des propositions « en contradiction avec la loi de 1905 »

A l’été 2016, le membre de l’institut Montaigne expose, lors d’un déjeuner avec l’équipe de campagne du futur président, ses idées pour un « Islam de France. » Il présente alors un rapport qui fera beaucoup parler de lui. Le document indique que 28 % des musulmans de France ont adopté « un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République. »

Très vite, les chiffres de l’étude ont repris par les hommes politiques, comme Nicolas Sarkozy. Le CFCM a beau démentir en rappelant, par la voix de son président de l’époque, qu’« il doit y avoir une vingtaine d’imams radicaux en France » et que « ce rapport est une occasion ratée », les Français ne retiennent qu’une information (erronée) : un quart des musulmans placeraient la charia au-dessus des lois de la République.

L’institut Montaigne profite alors des conclusions de ce rapport pour faire une série de propositions, comme celle de créer un secrétariat d’Etat aux Affaires religieuses et à la Laïcité ou celle de taxer le halal. Des propositions auparavant envoyées à l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron et balayées d’un revers de la main par l’islamologue Rachid Benzine, qui estime que plusieurs idées émises par Hakim El Karoui sont « en contradiction avec la loi de 1905. »

Des notes envoyées à Ben Ali

Huit mois après son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron n’a donc appliqué aucune des recommandations de son conseiller de l’ombre. Mais le président réfléchit désormais à des actions possibles pour « poser les jalons de toute l’organisation de l’islam de France. » Il faut aller vite, Macron ayant annoncé des premières pistes à l’horizon du « premier semestre 2018. » Pour l’aider dans sa réflexion, le président affirme qu’il consultera « des intellectuels et des universitaires, comme Gilles Kepel », mais aussi Youssef Seddik ou encore… l’Institut Montaigne qui a « pris des initiatives sur cette question. »

Hakim El Karoui pourrait donc devenir le Monsieur Islam d’Emmanuel Macron. Mais le potentiel futur conseiller souffre d’une image quelque peu sulfureuse depuis 2011 : cette année-là, Hakim El Karoui envoie deux notes d’une page au dictateur tunisien Ben Ali en train d’être chassé de son pays. « Je n’ai jamais travaillé avec Ben Ali, je ne l’ai jamais rencontré et n’ai pas été son conseiller », se défendait à l’époque l’ancien banquier de chez Rothschild, qui assure n’avoir envoyé que des « éléments de langage pour la communication », selon le site tunisien nawaat.

Le président l’écoute attentivement

Après cet épisode, une quinzaine de personnalités — militants, artistes et intellectuels — demandent alors la démission d’Hakim El Karoui de la présidence de l’Institut des cultures d’Islam, qu’il a obtenue de la part de Bertrand Delanoë, maire de Paris, en 2010. Il démissionnera finalement en mars 2011. Se sentant de plus en plus proche des bureaux de l’Elysée, Hakim El Karoui est récemment revenu sur cette affaire Ben Ali : « Je ne lui ai pas dit de tirer sur la foule. Je lui ai dit de virer sa famille, de virer ses conseillers et d’engager une transaction démocratique », martèle-t-il.

Du côté de l’Elysée, cette casserole ne semble pas avoir de conséquences… Après avoir fait ses armes chez Rothschild, comme Emmanuel Macron, Hakim El Karoui — qui fut également la plume du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin — affirmait récemment que le président de la République l’écoute toujours attentivement. Il assure lui avoir envoyé son dernier livre, « L’Islam, une religion française », avec un petit mot simple : « Maintenant, de l’action ! » Emmanuel Macron, après avoir temporisé, semble désormais passer effectivement à l’action sur la thématique de l’Islam.

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