Un pas en avant, deux en arrière ? Alors qu’il prévoyait de se prononcer sur la laïcité en ce début d’année, Emmanuel Macron aurait décidé de ne pas prononcer de discours sur ce thème, comme l’indique ce matin Europe 1. Pourquoi un tel revirement ? Tout d’abord, comme le précise le site de la radio, Emmanuel Macron s’est bel et bien positionné sur le sujet lors de son intervention jeudi dernier devant les différentes autorités religieuses du pays. Comme l’avait indiqué le président du CFCM, Emmanuel Macron avait rappelé « que la laïcité ne doit pas souffrir d’adjectif » et qu’« elle doit être traitée séparément de la question de l’Islam pour éviter toute instrumentalisation visant à passionner les débats. » Une intervention qui a fait suite à une phrase qui avait fait beaucoup de bruit en décembre dernier : devant les responsables des principaux cultes en France, le chef de l’Etat s’était alors alarmé du risque d’une « radicalisation de la laïcité », visant ainsi « la bande à Valls » sans la nommer.
Des ministres peu au fait de la loi de 1905 ?
Point final ? Pas vraiment. Depuis plusieurs semaines, les membres du gouvernement multiplient en effet les déclarations contradictoires. La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, déclarait par exemple dimanche que « la laïcité, c’est la liberté de conscience, c’est mettre dans la sphère privée les convictions philosophiques, religieuses. » Une sortie de route qui n’est pas la première de la part de l’entourage de Macron. Fin décembre, Christophe Castaner a en effet déclaré que « les signes religieux sont interdits dans l’espace public. » Le directeur général de La République en Marche tentait alors de protéger Jean-Michel Blanquer, qui avait estimé quelques jours plus tôt qu’une mère qui accompagne une sortie scolaire est un « collaborateur bénévole du service public » et ne doit donc pas porter le voile. Sur le thème de la laïcité, le gouvernement semble aller à contre-sens du président de la République. L’exécutif a-t-il seulement une idée de sa politique concernant ce thème primordial ?
LREM doit « s’emparer des thèmes de la laïcité et de l’Islam »
Force est de constater que, du côté de La République en Marche, on peine à se positionner sur le sujet. Aurélien Taché, député de la majorité, exhortait en novembre dernier ses troupes à « s’emparer des thèmes de la laïcité et de l’Islam. » Mais lors de la campagne d’Emmanuel Macron, au sein de l’équipe Macron, on avait un peu de mal à trouver une ligne claire sur la laïcité. Quentin Lafay, ex-conseiller en charge des questions d’éducation, de jeunesse et de prospective d’Emmanuel Macron, avait d’ailleurs organisé en septembre 2016 un dîner consacré à ce thème pour tenter de trouver un positionnement pour le mouvement En Marche ! Parmi les invités, Edouard Geffray — devenu depuis directeur de cabinet du ministre de la Justice —, l’islamologue Rachid Benzine, François Pupponi, ancien maire de Sarcelles, Hakim El Karoui de l’institut Montaigne — un organisme qui a beaucoup influencé Emmanuel Macron lors de sa campagne, voir notre article — ou encore Bariza Khiairi. Parmi eux également, Laurent Bouvet, l’un des fondateurs du Printemps Républicain.
Macron, partisan d’un laïcité apaisée ? Oui, mais…
Ce dernier dispose de quelques entrées au sein de la majorité. Compagnon d’Astrid Panosyan, cofondatrice d’En Marche !, Laurent Bouvet a été suivi avec attention par l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron avant juin 2017. Alors que, ministre de l’Economie, Macron s’était érigé en chantre du « réformisme radical », Pierre Person, aujourd’hui député de Paris, proposait dans un mail à ses collègues qu’« il serait intéressant de lier les réflexions de Bouvet » avec une publication sur ce sujet. Malgré tout, Emmanuel Macron semble s’être éloigné de la laïcité de combat prônée par l’équipe du Printemps Républicain. Au vu de son discours de jeudi, le président de la République semble partisan d’un laïcité qui serait un « facteur de cohésion nationale », comme le confirme Europe 1, qui ajoute qu’en s’exprimant sur ce thème, « Macron a tout à perdre. » Le chef de l’Etat préfère donc temporiser. Quitte à laisser, d’ici là, laisser ses ministres prendre une plus grande place dans le débat sur la laïcité. A ses risques et périls : Laurent Bouvet est pressenti pour faire partie du Conseil des sages de la laïcité voulu par Jean-Michel Blanquer. Et si Emmanuel Macron ne se positionne pas publiquement très rapidement, il pourrait être obligé d’emprunter le chemin d’une « laïcité de combat » tracée par certains ministres de son gouvernement.