samedi 23 novembre 2024
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En France, on résilie un bail parce qu’on ne vend pas de porc et que les produits sont halal

Les choses étaient pourtant simples. Un contrat de bail commercial stipulé avec une destination commerciale qui était celle de « l’alimentation générale. » Rares sont les professionnels du droit qui n’ont pas été amenés à rédiger un tel contrat de bail, qui fait parti des plus classiques. Et un arrêt, des plus classiques également, qui prévoit que le commerce d’alimentation générale comprend la vente de vins, d’alcools, de fruits et de légumes (CA Paris, 10 mars 1981 : Loyers 1981 n° 227).

« Le commerçant demeure libre d’exercer l’activité de son choix »

Cela suppose toutefois que le commerçant demeure libre d’exercer l’activité de son choix dès lors qu’il respecte la destination commerciale qui lui a été assignée. Ainsi, on conviendra assez aisément qu’un coiffeur ne puisse pas exercer son métier dans un bail prévoyant une activité de primeur et alimentation générale. Quoi qu’il en soit, la question se posait de savoir, devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, si l’activité de vente de produits halal (avec accessoirement des produits non halal mais de faible quantité) relève, ou non, de la destination d’alimentation générale.

Et stupeur. Le Tribunal a considéré que cela n’était pas le cas. Cette stupeur est d’autant plus grande lorsqu’elle est analysée à la lumière de la liberté d’entreprendre. D’ailleurs, comment oublier cette décision du Conseil constitutionnel (Décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains) :

« (…) 20. Considérant que le souci d’assurer ‘la sauvegarde de la diversité commerciale des quartiers’ répond à un objectif d’intérêt général ; que, toutefois, en soumettant à une autorisation administrative tout changement de destination d’un local commercial ou artisanal entraînant une modification de la nature de l’activité, le législateur a apporté, en l’espèce, tant au droit de propriété qu’à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi … »

Il existe bel et bien une liberté d’entreprendre qui pouvait ici être invoquée. En effet, le bailleur, en imposant dans la destination commerciale d’alimentation générale une restriction particulière liée à la vente de produits halal a, peut-être, porté atteinte à la liberté d’entreprendre de la société qui a décidé de commercialiser de tels produits.

« Va-t-on décider de limiter les activités de toutes les chaines bio ? »

Cette stupeur est accompagnée d’incompréhension lorsqu’on voit les réactions de satisfaction politique à la suite de la décision. Le marché de la vente de produits halal correspond à un domaine en plein essor. Limiter l’ouverture de tels commerces, c’est limiter la faculté laisser aux citoyens de s’approvisionner de tels produits. Va-t-on décider de limiter les activités de toutes les chaines bio parce qu’elles ne seraient pas en conformité avec des destinations commerciales d’alimentation générale ?

Une réponse négative s’impose. Evidemment, cette décision s’inscrit dans une ambiance nationale qui n’appelle aucune ouverture dès lors qu’un produit est lié au halal, qui évoque un terme coranique et qui fait peur. Cela donne du crédit au parti d’extrême droite, qui d’ailleurs, se réjouit autant des prières de rue que des fermetures de supermarché halal. Jamais une telle polémique serait née si le supermarché n’avait pas vendu de vin, à condition que ses rayons ne comprennent pas de produits halal.

N’oublions pas qu’un des premiers à se réjouir d’une telle décision fut Gilbert Collard, membre du Front National, parti adepte de la thèse du Grand Remplacement.

* Asif Arif est avocat au Barreau de Paris, auteur spécialiste des questions d’Islam et de laïcité.

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