« Je ne crois qu’au Coran. » Historien, penseur et islamologue tunisien, Mohamed Talbi est mort aujourd’hui à l’âge de 95 ans. Malgré son âge, il était un moderniste. S’il pouvait être très critique vis-à-vis de la communauté musulmane — et parfois se laisser à quelques déclarations ubuesques (voir plus bas) —, il avait en tout cas une vision très spirituelle de l’Islam. Qui passait toujours par le Coran. Le Livre sacré était, selon Mohamed Talbi, la preuve que l’Islam est une religion de paix et le Prophète un homme pacifique. « Être musulman, c’est se revendiquer de l’Islam. C’est naître d’une cellule musulmane. C’est s’assumer comme tel en toute liberté et en toute intelligence », disait-il dans Jeune Afrique. Lui qui rappelait que l’Islam « porté sur la confiance mutuelle et le respect de l’autre. » Pour le reste, « seul le Coran oblige », aimait-il à dire.
« Nulle contrainte en matière de religion »
Il défendait becs et ongles le Coran, seul livre sacré à dire : « Nulle contrainte en matière de religion. » Un livre bien moins violent qu’on veut le faire croire. « C’est plutôt dans la Bible qu’on trouve des incitations à la violence, avait-il expliqué au magazine panafricain. Car la Bible parle d’extermination sacrée. J’ai cité le passage relatif à cette incitation quand il y a eu l’opération israélienne Plomb durci à Gaza avec toutes sortes d’armes d’extermination. » Et l’islamologue de se demander « pourquoi ne parle-t-on pas de la violence des autres religions dans ce cas ? Est-ce qu’il y a différentes manières de tuer, les unes plus pacifiques que les autres ? Est-ce qu’il y a des armes autorisées ? Cela me fait rire. » Car pour Mohamed Talbi, l’Islam est avant tout « un humanisme. »
Le Coran « ne souffre aucun doute »
Mohamed Talbi montrait donc qu’on pouvait critiquer l’Islam sans être traité d’islamophobe, contrairement à ce que veulent nous faire croire les partisans de l’islamophobie. Mais cela ne l’empêchait pas de défendre sa religion : « Le regard qui prétend que le Coran n’est pas vrai, ou qu’il n’est pas authentique, n’est pas admissible. À partir du moment où l’on déclare l’irrecevabilité de la révélation, on cesse d’être musulman », disait celui qui rappelait que le Coran « est le Livre qui ne souffre aucun doute. » « Celui qui ne trouve pas ses repères en Islam, qu’il en sorte ! », exhortait-il. Talbi aimait aussi critiquer l’Etat français qui « vous qualifie de musulman dès lors que vous êtes basané ou que vous portez un nom arabe. »
Après sa disparition, on retiendra volontiers ces discours intelligents. Et on oubliera volontiers les errements d’un Mohamed Talbi qui a parfois été totalement à côté de la plaque. Comme lorsqu’il estimait que « l’alcool n’a jamais été interdit par le Coran. » Ou comme quand, en 2012, alors chargé d’accueillir Tariq Ramadan, il avait dressé le portrait d’un « salafiste » qui « ne renierait rien de la charia. » Des sorties de route que l’on lui pardonnera. « Religieusement, il est du devoir de tout un chacun de respecter l’opinion des autres, quelle qu’en soit sa teneur », avait expliqué le mufti tunisien de la République lors de la sortie de Talbi sur la « halalité » de l’alcool. On retiendra particulièrement le combat de Mohamed Talbi contre Daesh, plus noble que ses déclarations parfois à l’emporte-pièce.