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L’abattage rituel, avec ou sans électronarcose ?

Le débat sur le halal, un temps monopole d’état et désormais phénomène existentiel pour les français musulmans n’est toujours pas tranché. Entre balbutiement des français musulmans et mainmise des industriels, il reste suspendu à plusieurs questions dont celle de l’électronarcose. En l’absence d’une norme halal commune à tous les musulmans, les certificateurs ne partagent pas les mêmes pratiques lors de l’abattage rituel. Certains, à cheval entre réglementation européenne et production à coûts réduits  procèdent à l’étourdissement des animaux, d’autres s’y refusent. Mais le consommateur musulman cherche toujours la réponse à la question : l’électronarcose, est-elle halal ?

Électronarcose : étourdissement ou mort programmée ?

L’étourdissement avant abattage comme post abattage est très contestée et constitue le cheval de bataille de plusieurs acteurs du halal. La pratique qui a pour objectif de tranquilliser les volailles et d’inhiber leur sensibilité à la douleur lors de l’abattage est imposée par la réglementation européenne en vue de réduire la souffrance de l’animal. Mais ceci ne convainc pas certains certificateurs halal qui refusent d’estampiller halal les animaux abattus selon cette méthode, et ce en référence à plusieurs avis religieux ou fatwas. Ainsi selon le Conseil islamique du Fiqh, qui dépend du Congrès Islamique Mondial, « il est interdit d’utiliser l’électronarcose pré-mortem pour la volaille, car l’expérience a montré qu’elle provoque la mort dans la plupart des cas ». L’Union des savants de la recherche islamique en Égypte partage le même avis et a « refusé d’accéder à la demande d’associations internationales de protection animale qui souhaitaient que le Conseil accepte l’utilisation de l’électronarcose « . C’est également le cas en Algérie où la pratique de l’électronarcose est désormais interdite. Les oulémas en Arabie Saoudite ont également partiellement statué sur la question de l’électronarcose. En effet, selon le comité permanent de la recherche scientifique et de la consultation, « il est interdit de frapper l’animal sur la tête à l’aide d’un marteau ou d’un pistolet, de pratiquer l’électronarcose ou de lui faire inhaler du CO2« . Ainsi, cette pratique n’est pas la bienvenue dans les législations de plusieurs pays.

Existe-il une électronarcose halal ?

L’électronarcose sous le prisme de la religion est donc à priori haram. Mais à l’opposé des courants de pensée les plus rigoristes qui stipulent que cette pratique pourrait être mortelle pour les volailles, d’autres écoles avancent leurs arguments pour la légalisation de ce procédé d’étourdissement. Ainsi selon Shaykh Al-‘Uthaymin, « ce qui doit être pris en compte est le ménagement de la bête, et si l’engourdissement permet de la sacrifier en réduisant la souffrance, mais sans la tuer, cela peut être pratiqué ». D’autres acteurs de la Oumma s’inspirent de la Sunnah pour justifier le procédé industriel. En effet, Shaddâd Ibn Aws rapporte que le Messager d’Allah (saws) a dit : « Allah a écrit la bienfaisance en toute chose. Si vous tuez, faites-le de la meilleure façon, si vous sacrifiez, faites-le de la meilleure façon. Aiguisez bien la lame et ménagez la bête. » (Muslim). La réponse à la question de la licéité de l’électronarcose a été abordée également par le Conseil de Jurisprudence Islamique affilié à la Ligue Islamique Mondiale lors de sa 10e session d’octobre 1987 : « Si l’animal est toujours vivant après que la décharge électrique lui a été infligée puis il est abattu, alors il a été abattu d’une manière islamique, et de ce fait, il n’y a aucun mal à le manger« . Cette fatwa s’appuie sur le principe dicté par le verset 3 de la Sourate Table Servie du Coran : « Il vous est interdit de consommer la bête morte, le sang, la viande de porc, celle d’un animal immolé à d’autres divinités qu’à Dieu, la bête étranglée, assommée, morte d’une chute ou d’un coup de corne, ou celle qui a été entamée par un carnassier – à moins qu’elle n’ait été égorgée à temps. »

Rentabilité industrielle et bien-être animal

Les conditions industrielles et le rythme de production effréné rend très difficile la mise en place d’alternatives autres que l’électronarcose . Les acteurs du halal veulent joindre les impératifs religieux aux contraintes industrielles : effectuer l’abattage rituel halal dans des chaînes de production qui doivent assurer leur rentabilité. L’exemple des volailles est parlant : les volailles non étourdies s’agitent tellement qu’elles peuvent se briser les ailes ou abîmer leur chair. Et ces aléas peuvent être à l’origine de pertes sèches pour l’industriel. Ce dernier cherche donc à atteindre la rentabilité en adaptant son procédé aux contraintes rituelles, en optant pour des voltages adaptés aux poids et à l’âge des volailles, ce qui permet la réversibilité du processus d’étourdissement. En ce cas nous parlons d’électronarcose réversible (car n’entraînant pas la mort et permettant le réveil systématique de l’animal après son étourdissement). Cette pratique est autorisée par Jakim, le numéro un mondial de la certification halal, qui fait preuve de réalisme en s’adaptant au marché, tout en lui imposant des règles strictes de pratique pour valider les impératifs de son cahier des charges. Les activistes de défense des animaux sont également et paradoxalement de fervents défenseurs de ce procédé, convaincus du fait que la narcose avant abattage permet de réduire la souffrance de l’animal au moment de l’abattage.

Il semble donc que l’épineux dossier de l’électronarcose ne soit pas prêt d’être clos. Nous pensons qu’il faut laisser cours à ces pratiques industrielles mais nous exigeons également en tant que consommateurs de bonne foi d’être informés de la nature exacte de l’abattage vendu sous le label halal, ainsi que des pratiques associées au mode d’abattage par un étiquetage explicite, qui laisserait au musulman le choix de consommer tel ou tel produit en connaissance de cause !

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