« Nous pouvons avoir des positions différentes sur le Hamas comme organisation politique ainsi que sur la résistance armée ». C’est en ces termes que la philosophe américaine Judith Butler a introduit son propos sur l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, lors d’une table ronde organisée à Pantin dimanche dernier par un collectif d’associations. Contrairement au discours quasi obligatoire en France, qui consiste à dire que l’opération du 7 octobre 2023 était un acte terroriste, l’Américaine a préféré être « plus honnête » en affirmant qu’il est « plus correct historiquement, de dire que le soulèvement du 7 octobre était un acte de résistance armée. Ce n’est pas une attaque terroriste, ce n’est pas une attaque antisémite : c’était une attaque contre les Israéliens ».
Et difficile de reprocher à la philosophe d’utiliser les mots au hasard : Judith Butler est en effet titulaire d’une chaire dans les départements de rhétorique et de littérature comparée à l’université de Berkeley. D’ailleurs, l’intellectuelle a rappelé une évidence : « Vous le savez, je n’ai pas aimé cette attaque, je l’ai dit publiquement ». Mais, nuance-t-elle, « je serais vraiment stupide si je décidais que la seule violence dans cette région est à l’encontre du peuple israélien ».
Spécialiste de la littérature juive et de la politique sioniste, Judith Butler demandait, en 2013 déjà, le droit de critiquer le sionisme. « Si je parviens à montrer qu’il existe des ressources juives susceptibles d’être mobilisées pour une critique de la violence de l’État, une critique de l’assujettissement colonial des populations, de l’expulsion et de la dépossession, alors je serai parvenue à démontrer qu’une critique juive de la violence d’État, israélienne est au moins possible, sinon d’un point de vue éthique, obligatoire », affirmait-elle.
Qui pourrait lui reprocher de rappeler les violences israéliennes à l’égard des Palestiniens ? « La violence contre les Palestiniens a lieu depuis des décennies, a-t-elle dit dimanche. Le 7 octobre était un soulèvement qui résulte d’une situation de soumission, et contre un appareil d’État violent ».
En d’autres termes, pour Judith Butler, « on peut être pour ou contre la résistance armée, pour ou contre le Hamas, mais mettons-nous au moins d’accord sur le terme de ’résistance armée’, et ensuite on peut débattre de la question de savoir si c’est juste, s’ils ont fait ce qu’il fallait faire, ou s’il y a d’autres stratégies ».
Une façon de poser un vrai débat là où, habituellement, des injonctions sont faites à tous ceux qui décident de rappeler les faits et d’aller au-delà du 7 octobre 2023. D’autant que Judith Butler ne peut être qualifiée d’« indigéniste », comme la qualifie Le Figaro. La philosophe est d’ailleurs, précise le journal, l’invitée d’honneur de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm à Paris, où elle donne un cycle de trois conférences, ou encore du Centre Pompidou.