Dimanche, la Turquie a subi une nouvelle attaque. Les autorités se sont rapidement tournées vers la piste kurde après que la terroriste a été identifiée : celle-ci était accusée d’apologie du terrorisme et serait membre du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan. Mourad Ghazli, spécialiste de la Turquie, rappelle que cette organisation est placée sur la liste officielle des organisations terroristes des Etats-Unis, du Canada, de l’Union européenne ou encore de l’Australie et du Royaume-Uni.
Ankara a été touché hier en son centre névralgique. Un véhicule a explosé, à quelques pas de la place de Kizilay. Un attentat qui a fait « au moins 36 morts » et plus de 125 blessés selon Le Monde. Toutes les vitres aux alentours ont été soufflées et une boule de feu s’est ensuite propagée aux voitures qui se trouvaient à proximité, indique le quotidien du soir. C’est la troisième fois en six mois que la Turquie est ébranlée par un attentat. Le président Erdogan a dénoncé des « attaques contre l’unité » de la Turquie et a promis une riposte. Cette riposte n’a pas tardé à venir : onze avions de combat turcs ont bombardé le mont Kandil, la base arrière du PKK dans le nord de l’Iraq. Info Halal a discuté de la situation avec Mourad Ghazli, homme politique français et spécialiste de la Turquie, qui considère que les médias français traitent de la situation en Turquie avec les mauvaises clés.
Info Halal : Que la piste kurde soit évoquée au lendemain de l’attentat vous a étonné ?
Mourad Ghazli : Parler des Kurdes pour parler du PKK est une définition erronée. C’est comme si on disait « les Corses » pour parler du FLNC (Front de libération nationale corse, ndlr). La moitié des Kurdes soutiennent d’ailleurs le gouvernement. Concernant l’attentat, il n’y a rien d’étonnant : tous les groupuscules kurdes avaient déclaré, dans un communiqué avant l’attentat, qu’ils allaient s’unir pour semer la terreur en Turquie.
Info Halal : Les Kurdes du PKK ont-ils raison de demander leur indépendance ?
Mourad Ghazli : Le PKK estime que, parce que les Kurdes sont une ethnie, il leur faut un Etat. Alors même qu’ils parlent des langues différentes, ont pour certains des religions différentes. En 1920, le Traité de Sèvres prévoyait un « territoire autonome des Kurdes », mais il n’a jamais été ratifié, remplacé par le traité de Lausanne.
En France, on ne veut pas d’Erdogan. On voudrait pour les Turcs soit un dictateur, soit un barbu. Mais il est au pouvoir depuis quatorze ans. On lui reproche de vouloir avoir tous les pouvoirs. Mais, oui, il a tous les pouvoirs. Parce que son parti remporte toutes les élections.
Info Halal : En France, on estime que les Kurdes sont les seuls à pouvoir arrêter Daesh…
Mourad Ghazli : Mais ce ne sont pas des super-héros qui veulent combattre Daesh, ils veulent prendre le contrôle de la région frontalière. Les Kurdes sont, comme Daesh, dans une conquête. Je suis effaré de la façon dont on parle du PKK en France… Il y a trois semaines, sur i>télé, on nous montrait une fille du PKK placer des mines sur le sol en expliquant qu’il s’agissait d’une « rebelle. » Mais le PKK, ce n’est pas une organisation rebelle, c’est une organisation terroriste. Elle est considérée ainsi par la France, l’Europe et les Nations unies.
Info Halal : Mais Erdogan n’est-il pas trop dur avec les Kurdes ?
Mourad Ghazli : Les Kurdes ont morflé dans les année 80, on ne peut pas le nier. Mais Erdogan leur a donné une télé, une radio, il a instauré l’apprentissage du kurde à l’école, il les a appelés ses « frères kurdes », a laissé le HDP (le Parti démocratique des peuples, parti kurde, ndrl) se présenter, il y a des députés kurdes, des ministres kurdes. La droite nationaliste le considère même comme étant trop tendre. Avant de faire la morale, posons-nous la question de savoir si, en France, où l’on veut l’assimilation, on accepterait de faire pareil pour une « ethnie », avec une chaîne de télé algérienne à la place de France 4, par exemple.
Info Halal : Il est tout de même considéré par les autorités françaises comme très autoritaire…
Mourad Ghazli : En France, on ne veut pas d’Erdogan. On voudrait pour les Turcs soit un dictateur, soit un barbu. Mais il est au pouvoir depuis quatorze ans. On lui reproche de vouloir avoir tous les pouvoirs. Mais, oui, il a tous les pouvoirs. Parce que son parti remporte toutes les élections. Erdogan n’est pas un conservateur, c’est un libéral qui, dans un pays laïque, a autorisé le voile dans les universités et les administrations, ce qui a permis à des femmes autrefois réduites à rester chez elles de travailler, d’étudier. En revanche, on cire les pompes de Demirtas, le leader du HDP, qui est allé apporter ses condoléances à la famille du kamikaze après l’attentat précédent en Turquie.