Les violences policières en France sont plutôt rares, à en croire l’organisation non gouvernementale ACAT. Mais celle-ci dénonce le fait que ces violences soient ciblées. En effet, indique-t-elle, la police sera plus clémente avec un agriculteur manifestant qu’avec un jeune de banlieue.
Dans un rapport intitulé « L’ordre et la force », l’ACAT, une « ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort », a enquêté sur les violences policières en France pendant ces dix dernières années. Cette étude, indique l’association, « montre qu’il existe de graves défaillances dans les enquêtes administratives et judiciaires effectuées à la suite de plaintes pour violences policières. » L’ONG souligne également « le lourd bilan humain de l’utilisation de certaines armes (flash-ball, Taser) et techniques d’interpellation. » Selon Aline Daillère, responsable France à l’ACAT, « si les violences policières sont relativement rares au regard du nombre d’interpellations quotidiennes, leur fréquence est loin d’être anodine, et les victimes se comptent par dizaines. »
Des contrôles d’identité perçus comme des « harcèlements policiers »
Aujourd’hui, les recours sont peu nombreux pour les victimes de violences policières. Pourquoi ? Pour Aline Daillère, « aujourd’hui, les forces de l’ordre françaises jouissent d’une relative impunité lorsqu’elles sont responsables de violences qui violent les principes de proportionnalité et de nécessité. » Alors que, selon le Code européen d’éthique de la police, « la confiance de la population dans la police est étroitement liée à l’attitude et au comportement de cette dernière vis-à-vis de cette même population, et en particulier au respect de la dignité humaine et des libertés et droits fondamentaux de la personne. » Actuellement, on en est loin en France. A en croire l’ACAT, les victimes sont encore trop nombreuses et, surtout, bien spécifiques…
En effet, parmi les victimes, l’ACAT indique qu’il s’agit « essentiellement des jeunes et des personnes issues de minorités visibles. » Dans les zones jugées « difficiles », peut-on lire dans le rapport, « il a été dénoncé à plusieurs reprises que des contrôles d’identité qui se répètent dans certains quartiers sans justification évidente sont reçus comme de véritables harcèlements policiers. » L’ACAT dénonce une inégalité devant les forces de l’ordre selon l’origine géographique ou socioprofessionnelle. Selon Christian Mouhanna, sociologue spécialiste de la police que l’ACAT a rencontré dans le cadre de son enquête, « alors que les agriculteurs peuvent manifester de façon violente, la police – et l’Etat – sont beaucoup plus cléments avec eux qu’avec les jeunes des quartiers dits sensibles. Il y a des gens qui ont le droit d’allumer des feux et d’autres pas. »
L’ACAT veut « briser le silence »
Rien de surprenant, donc, d’apprendre que les « étrangers ou personnes issues de minorités visibles, jeunes issus de quartiers populaires et manifestants » fassent partie des catégories surreprésentées parmi les victimes de violences policières, énumère l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, qui estime que « dans les situations examinées par l’ACAT, les victimes sont là aussi le plus souvent des jeunes et des personnes issues de minorités visibles. » L’association chrétienne appelle à « briser le silence. » Car, selon elle, « les faits d’usage illégal de la force, pour rares qu’ils soient, ne sont pas tolérables dans un Etat de droit » comme la France. « Ce n’est que dans le respect de la déontologie et des droits de l’homme qu’un lien de confiance s’établit entre la population et les forces de police », résume Aline Daillère.