Le timing est digne d’un film à suspense américain. Cinq heures à peine avant son entrée en vigueur, la justice américaine a annulé le nouveau décret présidentiel qui entendait interdire l’entrée aux Etats-Unis de ressortissants de six pays à majorité musulmane (Syrie, Libye, Iran, Soudan, Yémen et Somalie) non titulaires d’un titre de séjour régulier. En l’occurrence, c’est le juge fédéral Derrick Watson, de l’Etat de Hawaii, qui a tranché en faveur de l’annulation du décret, qui lui avait été soumis par cet Etat et motivé par trois raisons. D’abord, ce décret viole le premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté de croyance et de religion, ensuite, il limite la possibilité des entreprises et des universités hawaiiennes de recruter des professionnels plus qualifiés et, enfin, un tel décret porterait un coup à l’industrie touristique de l’île, secteur économique clé. La réaction de Donald Trump ne s’est pas fait attendre. Particulièrement remonté, il a réagi cette nuit depuis Nashville (Tennessee), où il était en meeting : « Nous allons nous battre contre ce jugement intolérable, nous allons porter l’affaire jusqu’à la Cour suprême, nous allons gagner et nous allons préserver la sécurité de notre pays et de nos concitoyens ! »
Revers cinglant
Dans le droit américain, le concept de « standing » est capital pour comprendre comment il est possible de dénoncer en toute légalité une loi ou un décret. Cette procédure doit être liée et concerner une personne physique. En ce sens, le juge Watson s’est appuyé sur le cas de l’imam Ismail El Sheikh, un Egyptien recteur de la mosquée de l’Association musulmane de Hawaii, qui rassemble plus de 4000 fidèles. Si cet imam réside et travaille de manière régulière aux Etats-Unis, le décret anti-migratoire de Trump atteint à ses droits de recevoir la visite de sa belle-mère, une Syrienne. Si elle exclut un septième pays, l’Irak, de la liste noire, la seconde version du « Muslim Ban », contrairement à la première à effet immédiat, a disposé d’un délai de carence de dix jours entre sa signature et son application effective, prévue pour ce 16 mars. Certes, la décision du juge de Hawaii sera contestée en appel. Mais sa seule existence signifie un revers politique cuisant pour le président américain, qui a vu à deux reprises son intention de faire passer une ordonnance islamophobe annihilée par la justice. Et le revers pourrait être encore plus cinglant cette fois-ci : la décision des juges fédéraux des Etats de Washington et du Maryland sont aussi en attente.