Si tout le monde ou presque, et moi le premier, se réjouit du renoncement d’Abdelaziz Bouteflika, il convient en revanche de s’inquiéter des mécanismes qui présideront à sa succession.
En effet, si Bouteflika a renoncé à concourir pour un cinquième mandat, il a également pris unilatéralement la décision de reporter les élections présidentielles prévues le 18 avril 2019.
Ce report est très inquiétant.
En premier lieu, car il est sine die et doit permettre à l’oligarchie FLN de se trouver un nouveau champion apte à protéger leurs privilèges et leur fortune, accumulé depuis l’indépendance sur le dos des Algériens et des richesses du pays.
Les forces démocratiques et libérales auraient tort de penser, que l’élite corrompue qui pille l’Algérie depuis des décennies tire sa révérence en même temps que le vieillard.
Cette clique a trop à perdre et elle va s’accrocher, faire semblant de changer, semblant de s’amender, chercher à séduire cette jeunesse algérienne qui lui crie en ce moment son profond dégoût.
Il faudra rester d’une vigilance extrême.
Ce report inquiète en second lieu, car au lieu d’être le premier acte d’une transition démocratique, maintient l’Algérie en marge de l’Etat de droit et du respect dû à la Constitution.
En effet, si l’article 136 de la loi organique relative au régime électoral donne bien pouvoir au Président de la République de convoquer les élections présidentielles par décret, la décision de report n’a en revanche aucune base constitutionnelle ou légale.
Concrètement, Bouteflika s’est une fois encore essuyé les pieds sur la Constitution.
Si une telle décision de report avait dû être prise (ce qui n’est évidemment pas le cas), elle n’aurait pu l’être, à la rigueur, que par le Conseil constitutionnel ou par la Haute Instance Indépendante de Surveillance des Elections.
Comme le prévoit l’article 182 de la Constitution : « Le Conseil constitutionnel est une institution indépendante chargée de veiller au respect de la Constitution. Le Conseil constitutionnel veille, en outre, la régularité des opérations de référendum, d’Election du Président de la République et d’Elections législatives ».
Pour sa part, l’article 194 de la Constitution prévoit que : « La Haute Instance veille la transparence et la probité des élections présidentielles, législatives et locales et du référendum, depuis la convocation du corps électoral jusqu’à la proclamation des résultats provisoires du scrutin ».
Ainsi, à compter de la convocation du corps électoral, c’est le Conseil constitutionnel et cette Haute Instance qui ont la charge de superviser le processus électoral.
Décision illégale, inconstitutionnelle et surtout dangereuse (sine die, c’est jusqu’à quand? Quel sera le statut de Bouteflika après le 18 avril ? Président d’une dictature assumée? Le report des élections par le Président n’est pas acceptable et doit être combattu sur le terrain du droit.
Le dissident Andreï Sakharov enjoignait aux dirigeants soviétiques de commencer par s’abstenir de violer leurs propres lois. C’est par là qu’il faut commencer en effet.
La décision de report doit être attaquée. Nous avons un Conseil d’Etat apte à connaître ce type d’action. Donnons-lui la chance de prouver son indépendance. Il ne faut rien laisser passer et le harcèlement judiciaire est une des voies de la victoire.