Si l’évasion fiscale favorise les hommes d’affaires et dirigeants peu scrupuleux, elle peut aussi aider au financement du terrorisme. Or, les Etats semble peu enclins à vouloir lutter contre.
Evaluée à 17 000 milliards de dollars par le Fonds monétaire international (FMI), l’évasion fiscale mondiale profite à de riches particuliers ou à des entreprises mais aussi à des groupes terroristes. Concernant ces derniers, il y a des précédents qui montrent l’ampleur du phénomène : comme la banque pakistanaise BCCI, qui a financé pendant vingt ans les cartels colombiens qui y blanchissaient leur argent avant sa faillite en 1991. Ou comme HSBC, qui abritait un compte d’Oussama Ben Laden. Mais désormais, les banques suisses ne garantissent plus un secret bancaire total, le Panama pourrait donc être devenu une base arrière du blanchiment de l’argent des groupes terroristes. « Les terroristes se sont rabattus sur des banques plus petites, dans des pays au lourd secret bancaire et à la réglementation laxiste » après le 11 septembre 2001, affirme Damien Martinez, cofondateur du Centre d’analyse du terrorisme.
Beaucoup d’hypocrisie de la part des Etats
Le scandale des Panama Papers va-t-il donc nous révéler des choses concernant le financement du terrorisme, et plus particulièrement celui de Daesh ? En tout cas, de nombreux dirigeants et anciens dirigeants du Golfe — Qatar, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis — n’avaient pas forcément d’intérêt à aller placer une partie de leur fortune au Panama. Il faudra donc tenter de comprendre pourquoi ils l’ont fait. Concernant les terroristes de l’Etat islamique qui ont mis la main sur des puits pétroliers, « le blanchiment d’argent alimente également leurs caisses », assure Franco Roberti, procureur national de la Direction antimafia et antiterrorisme à Rome.
Mais le Panama n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan du blanchiment d’argent. Selon la liste publiée par la Commission européenne en juin dernier, 30 juridictions sont encore considérées comme des paradis fiscaux. Notamment les Caraïbes et les Antilles. « On voit bien qu’il y a pas mal d’hypocrisie. Aujourd’hui on a effectivement envie de lutter contre le terrorisme, mais de là à mettre à mal un système bancaire et financier qui pour le moment fonctionne très bien comme ça… j’attends de voir », explique Eric Vernier, spécialiste du blanchiment d’argent. Même si, ajoute-t-il, « a priori, les circuits de blanchiment internationaux sont moindres que l’on a pu le voir avec al-Qaeda il y a quelques années. »