Dans un édito sur la lutte antiracisme, Laurent Joffrin se la joue Elisabeth Badinter. Il dénonce le terme « islamophobie » et estime que les antiracistes d’aujourd’hui sont « clivants » et « inquiétants. »
Ce lundi 4 avril, Libération a décidé de faire une « plongée chez les nouveaux antiracistes. » Le quotidien fait sa couverture sur le sujet. Sihame Assbague, Al-Kanz ou encore le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF)… Libé dénonce « la génération post-Touche pas à mon pote, née de l’immigration » qui, écrit Laurent Joffrin dans son édito intitulé « Piège grossier », « clive et suscite l’inquiétude. » Selon Joffrin, l’une des inquiétudes du nouvel antiracisme « tient à un mot : islamophobie. » « Certes, les musulmans sont souvent attaqués en tant que musulmans, et derrière la critique de l’islam se cache souvent un préjugé ‘essentialiste’ imputant aux musulmans des traits communs, présentés comme négatifs, qui découleraient de leur nature profonde, explique l’éditorialiste. Mais pourquoi avoir voulu à toute force imposer ce mot ambigu, ‘islamophobie’, dont chacun voit bien qu’il porte en lui un piège grossier ? »
Le dossier et la une de Libé reflète la sclérose et les inerties de l’antiracisme officiel, selectif, myope, se pensant universaliste.
— Marwan Mohammed (@marwanormalzup) April 4, 2016
Pour le patron de Libé, qui dénonce que l’on « traite de raciste la ministre Laurence Rossignol, militante antiraciste de toujours, parce qu’elle a employé un mot avec maladresse » (sic), il est dangereux de laisser la lutte antiraciste aux victimes de ce racisme. « N’est-ce pas un piège pour le nouvel antiracisme que d’utiliser les mêmes ressorts que l’ancien racisme ? », résume Laurent Joffrin, qui estime que « l’assignation permanente des hommes et des femmes à leurs origines particulières constitue l’argument principal opposé aux droits de l’homme par les conservateurs de tous les temps et de tous les pays. » Joffrin ne comprend pas que Libé ait été taxé de raciste après la publication d’une tribune de Luc Le Vaillant à propos d’une femme voilée et qui écrivait : « Elle est la sœur désolée et désolante des beurettes sonores et tapageuses qui égaient les soirées RATP. » Des journalistes du quotidien s’était désolidarisés de ce texte. Mais Joffrin — fan de Chalghoumi — s’étonne que Libé ait été « traité de raciste par un exalté du Net, ancien porte-parole du CCIF. » Soit.
Nous tenons ici à rassurer Laurent Joffrin. La question du racisme n’est pas l’apanage des communautés. Noirs, musulmans et juifs espèrent que les blancs catholiques se joindront à leur combat. Mais avouez, Monsieur Joffrin, que vous n’avez jamais dû être confronté à un refus professionnel parce que vous étiez d’origine arabe. Avez-vous déjà eu à essuyer des refus de bailleurs alors que vous cherchiez un appartement et que vous réunissiez toutes les conditions financières demandées ? Vous est-il arrivé, au coin d’une rue, qu’on vous ordonne de rentrer dans votre pays alors que vous êtes né en France ? Avez-vous déjà été contrôlé la police plusieurs fois dans la même journée parce que vous étiez trop bronzé ? Ces associations antiracistes que vous fustigez luttent bien contre les discriminations « au nom de valeurs communes », elles ne sont pas, comme vous le dites, dans une « malsaine concurrence des victimes qui attise les tensions au lieu de les apaiser. » Il est, rassurez-vous, encore possible de ne pas faire partie d’une communauté pour débattre de racisme. La preuve, la semaine dernière dans « C à vous » sur France 5, ils étaient bien cinq blancs à discuter du bien-fondé de l’utilisation du mot nègre. Ç’aurait été dommage d’inviter un Noir pour lui demander son avis, tout de même…
Dans #CaVous, 5 blancs parlent de la polémique #Rossignol sur les « nègres », la seule femme noire est à la cuisine pic.twitter.com/WtZ5UdbhFY
— lorientxpress (@lorientxpress) April 1, 2016