Début 2015, l’Union des démocrates musulmans de France (UDMF) faisait polémique. Un parti politique musulman en France, seul Michel Houellebecq l’avait imaginé. Et pourtant, l’histoire est loin d’être nouvelle : en 1997 déjà, le Parti des musulmans de France s’était également lancé lors des élections législatives de 2007. Si les partis musulmans pèsent encore peu dans le paysage politique français, leurs membres espèrent être de plus en plus entendus dans le débat. C’est le cas de Kamel Messaoudi, de l’UDMF, qui espérait se présenter à la présidentielle cette année — il n’a finalement recueilli que trois parrainages. Plus modeste, Nizarr Bourchada, conseiller communautaire et municipal à Brie-Comte-Robert, a créé le parti Français & Musulmans avec un objectif : peser sur les campagnes à venir. Un parti musulman, à quoi ça sert ? Nous lui avons posé la question.
LeMuslimPost : Pourquoi avoir créé Français & Musulmans ?
Nizarr Bourchada : En tant que citoyen musulman, j’ai ressenti le besoin de lutter contre la montée des actes islamophobes, qui ont augmenté après les attentats de Charlie Hebdo. En constatant les multiples dérapages de certains politiques et au sein même de mon ancienne famille politique, l’UDI, nous avons décidé de nous structurer car nous refusons de choisir entre identité et citoyenneté. Les amalgames faits par ces politiques nuisent à l’indivisibilité de la République.
Quelles sont les caractéristiques de votre parti ?
Nous avons une volonté de rupture avec les partis traditionnels, les Français, aujourd’hui, ne se sentant plus représentés ni par la droite ni par la gauche. Français & Musulmans a été fondé sur une éthique responsable et en adéquation avec les valeurs républicaines.
On vous a reproché, à vous et un autre parti, l’emploi du mot « Musulmans » dans le nom de votre formation…
Le mot « Musulmans » est surtout là pour interpeller. Nous ressentons le besoin de revendiquer des choses en tant que musulmans et que français. Le mot le plus important dans Français & Musulmans c’est finalement le mot « et. »
Certaines personnes craignent que vous tentiez d’islamiser la France…
En réalité, nous souhaitons désislamiser les débats et, si demain, nous retrouvons une France apaisée sur la question de l’Islam, nous retirerions, dans le nom de notre parti, le mot « Musulmans » et le remplacerions par « Minorités. » La laïcité nous donne le choix de croire ou de ne pas croire. Le parti s’adresse à tout le monde sans distinction de couleur, d’âge ou de religion. Nous sommes profondément républicains et sereinement musulmans. Islam et laïcité ne sont pas antinomiques.
Avez-vous rencontré des problèmes en créant votre formation ?
Deux grandes banques nous ont refusé l’ouverture d’un compte. Au début, tout allait bien lorsque nous leur disions que nous étions un parti. Mais une fois qu’elles voyaient le nom du parti, elles refusaient. Nous avons dû écrire à la Banque de France, qui a dû obliger une banque à nous ouvrir un compte. Mais rien ne pourra stopper notre détermination.
Vous ne présentez pas de candidat à la présidentielle 2017. Avez-vous des objectifs à court terme ?
Nous faisons de la politique sérieuse, et c’est pour cela que nous ne vendons pas de rêve à nos partisans, car nous savons que nous n’aurions pas eu les parrainages nécessaires et que nous n’avons pas les ressources suffisantes pour mener une campagne. Affirmer le contraire serait mentir à la communauté. Cependant, nous soumettrons aux candidats dix propositions. J’imagine qu’aucun candidat ne tiendra compte nos propositions, cela prouvera que des milliers de Français sont orphelins politiquement.
Vous avez lancé le parti en 2015. Quel bilan aujourd’hui ?
Le 6 novembre 2015, nous nous sommes lancés dans la bataille des régionales et nous avons pu déposer en préfecture de région une liste de 225 candidats. Plus de 12 500 électeurs ont voté pour notre projet, malgré des moyens financiers très limités. Et l’une de nos réussites est de faire participer à la vie politique du parti des personnes qui ne s’intéressaient plus à la politique et qui ne votaient plus parce qu’elles ne se sentaient plus représentées. Aujourd’hui, nous avons des candidats crédibles à Saint-Ouen, Bagnolet ou encore Brie-Comte-Robert.