« L’ abjecte résolution qualifiant l’État d’Israël d’État d’apartheid ». Voilà comment Meyer Habib, le député des Français de l’étranger, notamment en Israël, qualifie la résolution portée par la NUPES, débattue ce jeudi à l’Assemblée nationale. L’élu se mue aujourd’hui en « porte-parole des députés Les Républicains pour s’opposer « à ce projet ignoble ».
Il est « ignoble » de nier l’apartheid
Mais en quoi qualifier Israël d’État pratiquant l’apartheid est-il « ignoble » ? Peut-on, aujourd’hui, se poser la question de l’analogie entre Israël et l’Afrique du Sud, sans que les boucliers ne se lèvent de la part d’une frange de la classe politique ?
Il faut se souvenir que ce sont des chercheurs qui enquêtaient pour les Nations unies qui ont, en premier, évoqué des crimes d’apartheid. En 2017, par exemple, la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO), sous l’égide de l’ONU, avait indiqué qu’« Israël est coupable de politique et de pratiques constitutives du crime d’apartheid ». Le rapport avec cette mention avait, ensuite, été retiré des publications de l’ONU, provoquant une polémique au sein du CESAO.
L’apartheid admis par tous ?
Au-delà du fait de pouvoir ou non parler d’apartheid au sein des institutions internationales, il est important de lister les lois israéliennes, qui sont semblables aux lois sud-africaines de l’époque, des contrôles aux check-points aux barrières de séparation, en passant par les routes séparées pour les citoyens israéliens et palestiniens, la proposition de loi sur le mariage ou encore les accès aux terres et aux ressources pour les Palestiniens. Sans oublier que, pour un Palestinien, l’accès à l’emploi, entre autres, est plus difficile que pour un Israélien.
Un régime d’apartheid que dénoncent également les ONG. Human Rights Watch affirmait en 2021 que « les autorités israéliennes commettent les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution ». Une autre ONG, Amnesty International, publie régulièrement à propos des crimes d’apartheid en Israël. « Les autorités israéliennes doivent rendre des comptes pour le crime d’apartheid commis contre la population palestinienne », estime l’organisation, qui voit dans la politique de l’État hébreu un « système cruel de domination et un crime contre l’humanité ».
Mais aujourd’hui, plus que la politique israélienne, c’est le terme d’« apartheid » qui semble déranger les députés français de droite. Les ONG comme Amnesty s’appuient, pour utiliser ce terme, sur « un nombre croissant de travaux consacrés à la question de l’apartheid par des organisations palestiniennes, israéliennes et internationales de défense des droits humains », mais aussi par des avocats et des universitaires. Et Amnesty tient à ce mot, parce que, précise l’ONG, « l’apartheid est à la fois une infraction internationalement illicite et un crime contre l’humanité ». Ce qui oblige donc la communauté internationale a « amener les auteurs présumés à rendre des comptes ».
Israël pire que l’Afrique du Sud ?
Il s’agit donc d’attirer l’attention sur la politique israélienne. Mais utiliser le terme d’« apartheid » n’est pas qu’une façon de faire du bruit. Interrogé par Orient XXI, le Sud-Africain Naeem Jenah, directeur exécutif de l’Afro-Middle East Centre, rappelle que l’apartheid sud-africain « s’est construit sur trois piliers » : la « démarcation formelle de la population en groupes raciaux par le biais du Population Registration Act » ; le fait de forcer « les différents groupes à résider dans des zones géographiques différentes » et de restreindre la circulation des personnes entre ces zones ; et enfin la répression au om de la « sécurité ».
Autant dire que l’État hébreu coche toutes les catégories de l’apartheid. Lors de son voyage sur place, Naeem Jenah affirme avoir « découvert qu’Israël ressemblait en effet beaucoup à l’Afrique du Sud de l’apartheid. En beaucoup, beaucoup plus grave ».