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Présidentielle 2017 : « Il ne suffit pas de dire ‘l’islamophobie, c’est pas bien’ »

Avec ces présidentielles qui approchent, on ne peut pas dire que les débats se sont vraiment enrichis depuis la honte nationale du burkini. Nous voilà donc face à Fillon, qui promet la guerre des classes au profit des plus aisés et la guerre des communautés au détriment des plus stigmatisés. La France de Vichy, portée par Marine Le Pen, qui elle même dit se reconnaître en Manuel Valls, Jean Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et bien sûr les candidats à la primaire de gauche. D’un côté nous avons ceux qui, comme Emmanuel Macron, Emmanuel Valls, Vincent Peillon ou Arnaud Montebourg, ont participé à la campagne présidentielle de François Hollande, ont fait partie de son gouvernement — plus ou moins longtemps — et portent donc avec lui la responsabilité de tous ses reniements et ses trahisons. Qu’il s’agisse du sacrifice des classes populaires sur l’autel du néolibéralisme. Qu’il s’agisse de la normalisation du discours raciste, de la répression et son lot de brutalités subventionnées par l’Etat, contrôles au faciès, surveillance de masse, état d’urgence, criminalisation des réfugiés, et pour couronner le tout, convergence avec l’extrême droite sur l’islamophobie.

« Macron a fait son Jean-François Copé »

Personne n’est dupe, comme à chaque élection tous les candidats font du pied aux électeurs de confession musulmane et, pour ma part je ne tomberai pas dans le piège qui consiste à me prendre pour un faiseur de rois juste parce qu’on me dit que « l’islamophobie, c’est pas bien. » Beaucoup plus sophistiqué que Manuel Valls, on a les candidats Macron et Mélenchon qui, chacun à leur façon, tentent de se faire les porteurs d’une France inclusive mais qui, de fait, adhérent au discours dominant. Beaucoup ont été séduits par les déclarations de Macron sur la laïcité, les musulmans, les discriminations, etc. Sauf que, lorsqu’il était Ministre de l’Economie et des Finances, on ne l’a pas vu faire grand-chose contre les discriminations qui, pourtant, nous coûtent 150 milliards d’euros par an, ou encore contre la marginalisation des femmes voilées au travail — Je rappelle qu’une femme voilée en France a 1 % de chances d’être embauchée.

Et pendant que certains applaudissaient, Macron a fait son Jean-François Copé avec son : « Vous avez des enseignants qui, dans certains quartiers de la République, se trouvent face à des élèves qui demandent à des femmes de ne pas se maquiller pendant le ramadan. » Et qui continue en déclarant que : « Oui, en Algérie, il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie. » Au vu des millions de mort, des viols, des pillages, de la destruction du patrimoine culturel, la « mission civilisatrice » est accomplie. Pour faire encore mieux, voilà qu’il prend pour porte-parole Laurence Haïm, la même qui pose fièrement aux côtés de Benyamin Netanyahu, le Premier ministre israélien. Ce genre de nomination n’est sûrement pas un gage pour les droits des Palestiniens ou pour les mouvements de résistance comme BDS.

« Aucun pouvoir de contrôler la politique des élus »

D’un autre côté, on a le vote de la France rebelle avec Jean Luc Mélenchon pour qui « on a le droit d’être islamophobe » et qui vous dit que « Zemmour n’est pas raciste, c’est un brillant intellectuel », pour qui les crimes de guerre russes en Syrie sont des « bavardages » et qui justifie : « La France devra contrôler des gouvernements qui détiennent la clé des mines africaines », c’est ce que disait le secrétaire national du Parti de gauche François Delapierre. Je ne vais pas parler de convergence des luttes un jour et le lendemain me mettre à table parce qu’on me promet des miettes. Il ne suffit pas de me dire que « l’islamophobie c’est pas bien » pour avoir mon vote. L’islamophobie n’est pas un problème isolé mais un problème structurel et, sans remise en question de notre système politique hérité de l’ère coloniale, l’islamophobie a encore de beaux jours devant elle.

Je n’insulterai pas le futur en me portant caution morale pour un candidat alors que je n’aurai aucun pouvoir de contrôler sa politique une fois qu’il sera élu. Et quand bien même le candidat promet de combattre l’islamophobie, quels moyens de contrôles avons-nous pour qu’il tienne ses promesses ? Pendant cinq ans, Hollande nous a fait la démonstration que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. A quoi bon voter pour un candidat qui vous dit « l’islamophobie c’est pas bien », mais qui appliquera un programme socioéconomique qui, justement, alimentera l’islamophobie ? Ce modèle néolibéral repose sur des inégalités structurelles et ne s’applique qu’avec un Etat autoritaire. Nous n’aurons que plus de répression et donc encore plus d’Adama Traoré.

« La justice sociale, sinon rien »

Sans convergence des luttes nous sommes condamnés à ne jamais vaincre face à notre adversaires commun. Et comment espérer faire converger nos luttes quand on verse dans le clientélisme ? Désolé, la caricature du militant qui lève le poing le matin et se met à table le soir, c’est pas mon truc. On ne peux parler d’inverser les rapports de force en tournant le dos à nos causes communes pour des miettes. La justice sociale, sinon rien. Sans remise en question de notre système politique, sans mise à l’écart des groupes de pression financiers ou idéologiques qui ont mis sous coupe réglée nos institutions, sans candidat qui adhère à nos luttes communes pour une société plus équitable. Et à celui ou celle qui me rétorque que le vote blanc ne compte pas, je répondrai que si nous étions plus solidaires, si plus de monde votait blanc, ça finirait par compter.

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