Abdelaziz Chaambi, président de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI) était poursuivi pour « outrage et atteinte à la dignité de fonctionnaires » du Conseil général de l’Isère. Relaxé, le procureur a fait appel de la décision. L’activiste dénonce cet acharnement et parle d’un « procès politique » à son encontre.
En 2015, le collectif Coordination contre le racisme et l’islamophobe (CRI) avait défendu la famille Msakni, résidante de la commune de Bourgoin Jallieu dans l’Isère. Les parents, soupçonnés de radicalisation s’étaient vus retirer la garde de leurs cinq enfants, dont un bébé de deux mois à l’époque. La CRI et des citoyens émus par cette affaire, avaient entamé plusieurs manifestations, dont l’une devant le Conseil général de l’Isère. Ensemble, ils avaient réussi à entrer et à occuper les lieux, visiblement sans personnel ce jour-là.
Suite à cette mobilisation, le président Abdelaziz Chaambi, a été accusé de menaces, puis d’outrage à fonctionnaire du Conseil général.
« Je ne suis pas rentré dans le Conseil ce jour-là et je n’ai eu aucun interlocuteur. Je ne sais toujours pas qui est ce fonctionnaire à qui j’aurais fait outrage. Les autorités judiciaires veulent juste faire taire les militants comme moi, c’est un procès politique », se défend t-il.
Dans cette affaire, le militant a d’ailleurs été relaxé par le tribunal de Bourgoin Jallieu lors de l’audience du 15 février 2017. Mais plus de trois ans après les faits, le procureur a décidé de faire appel de la décision. Abdelaziz Chaambi comparaîtra donc à nouveau pour la même affaire, le 24 janvier 2018, à la cour d’appel correctionnelle de Grenoble.
« Abdelaziz Chaambi est un militant, il dit simplement des choses désagréables à entendre »
« Nous sommes un peu surpris », a réagi Gilles Devers, son avocat, qui réfute l’accusation d’outrage. Cette infraction implique en effet de s’être directement adressé à la personne concernée. Or le militant n’aurait jamais pris à parti qui que ce soit ce jour-là.. « Abdelaziz Chaambi est un militant, il dit des choses désagréables à entendre mais c’est son rôle, et il l’a toujours fait dans le respect de la loi », a indiqué son avocat.
Abdelaziz Chaambi est en effet un militant de longue date. Son engagement commence dans les années 70 avec la création du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) en Ardèche. Puis en 1981 il fonde l’Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés (ASTI), avec laquelle il participe à l’organisation de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Il est également le fondateur, entre autres, du Collectif des musulmans de France en (CMF) en 1992 et enfin du CRI en 2008.
Aujourd’hui, pour toutes ces activités militantes liées à l’islam et son engagement sur le terrain, l’homme est fiché S par les renseignements, ce qui a eu pour conséquence de dramatiquement perturber sa vie privée et professionnelle. Pour lui, c’est simplement parce qu’il se permet de critiquer la République et de dénoncer une islamophobie d’état. Cette fiche S lui colle à la peau, et pèse sur lui et sa famille. Ainsi, il a saisi le Conseil d’état dans cette autre affaire. « J’irai même jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme s’il le faut », lâche t-il.
Le bras de fer avec l’état continue donc pour Abdelaziz Chaambi. « Désormais, ce qui me déçoit beaucoup c’est le silence des associations musulmanes concernant les attaques dont je suis victime. Je crois qu’elles sont de plus en plus frileuses à s’exprimer depuis les attentats », regrette t-il.