Dans une interview réalisée ce matin, Nathalie Kosciusko-Morizet, des Républicains, a proposé l’idée de taxer la nourriture halal pour financer « l’Islam en France. » Bonne ou mauvaise idée ?
C’est souvent dans les vieux pots – des autres – que les politiques font les meilleures confitures. Alors que l’idée d’une « taxe halal » avait été avancée par le Conseil français du culte musulman (CFCM) il y a déjà six mois, Nathalie Kosciusko-Morizet vient de se réapproprier l’idée. Il faut dire qu’à quelques jours des élections régionales, pourquoi s’embarrasser à rappeler que cette initiative n’est pas la sienne ? La membre des Républicains a estimé qu’il « y a des mesures simples à prendre » pour financer « un islam de France. »
Une taxe de 1 % sur le halal
« Vous avez un marché du halal, c’est 6 milliards d’euros par an. Pourquoi est-ce qu’on ne lève pas une taxe sur le marché du halal ? », a demandé l’ancienne candidate à la mairie de Paris qui propose que cette taxe représente 1 % des ventes. Cette mesure permettrait donc de récupérer, estime-t-elle, 60 millions d’euros, qui seraient alors reversés à la Fondation des œuvres de l’Islam de France. Pourquoi elle plutôt qu’une autre ? Car elle est une fondation visant à « lever des financements alternatifs aux financements étrangers. »
L’idée n’est pas mauvaise. Elle permettrait en effet de rendre plus transparent le marché du halal. Aujourd’hui, plusieurs associations labellisent les produits issus de l’abattage rituel sans qu’on sache forcément où vont les bénéfices. La certification déséquilibre également le paysage des lieux de culte : certaines mosquées – comme celles de Lyon, Paris ou Evry, qui ont l’agrément de l’Etat – engrangent des bénéfices quand d’autres – Bordeaux Lille, ou Marseille, entre autres – ne profitent pas de ce business de plusieurs millions d’euros.
Un marché trop opaque pour une simple taxe
Mais proposer de taxer les produits halal, c’est peut-être aujourd’hui prendre le problème à l’envers. Si Nathalie Kosciusko-Morizet estime que cela permettrait « un financement national, assis sur une base légitime », elle omet de dire qu’il faut avant tout réformer ce marché du halal. Aujourd’hui, les labellisateurs n’ont pas forcément de légitimité : certains sont autorisés par l’Etat, d’autres s’autoproclament ainsi sans être interdits par les autorités. Chacun d’entre eux y va de son cahier des charges. L’opacité est totale pour le consommateur et l’Etat laisse faire tout en s’immisçant timidement dans ce secteur sans réellement le connaître.
Surtout, une taxe existe déjà sur les produits halal. « Par kilo de viande, la certification halal coûte entre 10 à 15 centimes d’euros », expliquait au Parisien le recteur de la Grande Mosquée de Lyon en 2010. Si la taxe proposée par le CFCM – rendons à César ce qui est à César – devait incomber au consommateur, se nourrir de façon licite au Coran deviendrait un luxe. Surtout, l’idée de NKM de se servir de cette taxe pour financer l’islam serait inégalitaire vis-à-vis des autres religions : la France doit repenser sa politique globale de laïcité et ne pas se cantonner à accepter le financement des églises tout en se cachant derrière une taxe agroalimentaire pour financer indirectement l’Islam.