Mardi, lors d’une conférence sur la laïcité organisée par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, une femme voilée s’est faite huer par plusieurs spectateurs. Ambiance.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » L’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 a pris, ce mardi 8 décembre, une consonance étonnante. Lors des VIe Rencontres de la Laïcité organisées par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, une scène particulière s’est produite : Latifa Ibn Ziaten – la mère du premier militaire victime de Mohammed Merah en mars 2012 – a été huée par plusieurs personnes dans le public parce qu’elle était… voilée ! De quoi rappeler la remise du Prix de la laïcité il y a peu.
J’interviens à l’assemblée nationale « la laïcité, défense et promotion des droits universels. pic.twitter.com/fNGZfMUpRE
— Latifa Ibn-Ziaten (@Latifa76300) December 8, 2015
Aucune obligation d’enlever le voile
Obligée de se justifier, Latifa Ibn Ziaten a alors expliqué qu’elle portait le foulard « à cause du deuil de son fils. » Pourtant, rien n’interdisait à la fondatrice de l’Association Imad Ibn Ziaten pour la jeunesse et la paix d’être ainsi vêtue : « Notre invitée portait un foulard comme les lois de la république l’autorisent dans l’espace public », a indiqué Jean Glavany. En effet, cette dame n’est pas une fonctionnaire et n’avait donc pas l’obligation d’enlever son foulard. Qu’importe, elle a été huée « par des invités, mais aussi par des élus », indique un témoin.
Si Jean Glavany assure avoir défendu la fondatrice de l’association qui porte le nom de son fils, c’est l’une des participantes – l’ancienne ministre des Droits de la femme Yvette Roudy – qui a envenimé les choses. Selon le témoin, étudiant en droit, l’ex-ministre a affirmé que le voile était « l’étendard des djihadistes » et que « derrière tout religieux, il y a un djihadiste qui sommeille. » Surtout, Yvette Roudy affirme avoir dit à Latifa Ibn Ziaten que « ce n’était pas une bonne idée de porter son foulard. » « Il y a des lois en France, on ne les fait pas respecter. Si Latifa Ibn Ziaten est en fonction, elle ne devrait pas avoir le droit de le porter », explique – et c’est totalement faux – l’ancienne ministre.
Une « provocation » de Jean Glavany
Yvette Roudy confirme également qu’elle a conseillé à une jeune étudiante portant elle aussi le foulard « d’aller voir sur place, là où les femmes n’ont aucun droit. » Un argument parmi tant d’autres souvent utilisés par les féministes. « C’était une jeune fille très jolie, très agréable à regarder, mais qui est venue réciter sa leçon », ajoute-t-elle, concluant que « le voile était un symbole de soumission à la loi patriarcale et que les intégristes l’utilisaient comme une porte d’entrée » et « que toutes les religions sont misogynes. » L’ancienne ministre a avoué craindre « l’apartheid dans (…) nos rues, nos bus, nos théâtres, avec une séparation entre les hommes et les femmes. »
C’était donc cela, la laïcité, mardi ? Le lendemain, c’était la Journée de cette même laïcité. L’intention de départ était pourtant bonne, explique Jean Glavany, qui explique pourquoi il a invité Latifa Ibn Ziaten : « Au moment où la religion musulmane était dans la tourmente, ça avait un sens qu’elle vienne, elle qui est victime du terrorisme et qui passe sa vie à défendre les valeurs de la République. » Le politique espérait que cette femme explique pourquoi elle porte le voile « dans le monde laïc. » « C’était presque une provocation de ma part », conclut Glavany. Si tel était le cas, c’est plutôt réussi.
Latifa Ibn Ziaten huée à l’Assemblée nationale: «C’était très agressif» (ici)