A l’approche des fêtes de fin d’année, alors que l’activité d’Amazon bat son plein, des employés d’un entrepôt de la banlieue de Shakopee à Minneapolis, ont décidé de se faire entendre.
Vendredi dernier, ils étaient des centaines d’immigrés Somaliens (constituant la majorité de la main-d’oeuvre de l’entrepôt) à manifester dans le froid pour réclamer de meilleures conditions de travail.
« Nous n’avons pas de droits dans l’entreprise. Nous n’avons pas assez de temps pour prier. Il y a beaucoup de pression. Ils disent que votre taux est trop bas », a déclaré à l’AFP Abdulkadir Ahmad, un employé de 30 ans.
En effet, selon les témoignages des employés, le quotas d’emballage serait fixé à 240 boîtes par heure. Un taux de productivité très élevé, qui laisse peu de temps de pause aux employés et qui ne leur permettraient pas de prier comme ils le souhaitent.
Khadra Ibhrahin, 28 ans, mère de deux enfants, a expliqué au site Vox qu’elle ne pouvait pas facilement prendre une pause de prière, car prendre des pauses c’est ralentir le taux de productivité et donc risquer de se faire renvoyer.
Les magasiniers d’Amazon bénéficient de deux pauses de 15 minutes et d’une pause de 30 minutes par équipe. Mais selon la jeune femme, les travailleurs craignent même de « perdre du temps » à aller s’acheter une bouteille d’eau ou quelque chose à manger, à cause des quotas imposés par l’entreprise.
« Amazon doit cesser d’utiliser la peur, la discipline et le licenciement pour accélérer le travail »
« Lorsque les travailleurs quittent Amazon, ils souffrent toujours de douleurs au dos, de maladies chroniques , de blessures et de dommages causés pendant leur emploi », témoigne également à l’agence de presse Ahmed Anshur, imam du Centre islamique Al-Ihsan, à Saint Paul, la capitale de l’Etat.
Amazon dit avoir déjà proposé des aménagements en fournissant des tapis et une salle de prière pendant le mois de Ramadan. L’entreprise assure que les travailleurs peuvent bénéficier d’une pause prière payée de moins de 20 minutes. Ils seraient également désormais autorisés à prendre des pauses prière non rémunérées plus longtemps. Et en conséquence les attentes en matière de productivité seraient ajustées.
Mais pour Abdirahman Muse, directeur exécutif du Centre Awood, qui soutien la communauté africaine locale et la manifestation, les travailleurs demandent des mesures de fond et plus de respect.
« Amazon doit cesser d’utiliser la peur, la discipline et le licenciement pour accélérer le travail. Les gens s’épuisent (…) leur corps s’use à cause du stress lié à l’augmentation de la productivité », a t-il confié à Vox.
Le géant de la vente au détail en ligne, détenu par Jeff Bezos, est en effet depuis plusieurs années critiqué pour les cadences infernales imposées à ses travailleurs. Et les employés Somaliens ne sont pas les seuls à se plaindre. Dans un récent documentaire d’Arte consacré à l’entreprise, des employés d’Amazon en Angleterre témoignent de conditions de travail difficiles, sans contrat ni indemnité.
En Australie également, deux syndicats se sont regroupés début décembre pour aider les travailleurs d’Amazon après qu’un militant ait été licencié de son poste dans un centre de distribution à Sydney.
La parlementaire Ilhan Omar, venue soutenir la cause des travailleurs
Du côté des travailleurs de Minneapolis, Amazon a accepté récemment de les rencontrer pour connaître leurs préoccupations.
« Nous sommes reconnaissants qu’ils se soient assis et aient discuté avec nous, mais nous ne voyons aucune action concrète », a déclaré le militant Abdirahman Muse.
Lors de leur manifestation, les travailleurs ont toutefois eu un soutien de poids. La nouvelle parlementaire musulmane du Congrès Ilhan Omar, d’origine somalienne, est en effet venue leur prêter main forte.
« Amazon ne fonctionne pas si vous ne travaillez pas et il est temps que nous le fassions comprendre à Amazon », a t-elle scandé pendant la manifestation, estimant qu’il était important que l’entreprise « tienne pleinement compte des besoins et des pratiques de cette communauté ».