C’est l’idée qui ressort tous les ans. A l’été 2016, Gérald Darmanin, alors maire Les Républicains de Tourcoing, Jean-François Copé ou encore Benoist Apparu évoquait la possibilité de mettre en place un concordat vis-à-vis de l’Islam, comme ce qui se fait actuellement avec plusieurs religions en Alsace-Moselle. Au moment de l’attentat à Saint-Etienne-du-Rouvray, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, avait alors déclaré : « Tout en gardant mes principes républicains, je m’interroge sur l’usage vis-à-vis de l’Islam d’un concordat tel que celui en vigueur en Alsace-Moselle ». En envisageant ce concordat, Bernard Cazeneuve entendait, disait-il, « arrêter de se faire instrumentaliser par la droite sur la question de l’Islam. »
Qu’impliquerait un concordat ?
Historiquement, le Concordat a été promulgué par Napoléon pour, entre autres, encadrer le judaïsme en 1807. S’il s’agit officiellement « de créer les conditions d’une concorde, c’est-à-dire d’une paix durable » entre religion et République, l’idée était surtout de contrôler le judaïsme français en le centralisant et en le hiérarchisant grâce à la mise en place du Consistoire. Or, les musulmans, eux, n’ont pas d’organisation centralisée et hiérarchisée. Certes, le Conseil français du culte musulman (CFCM), mis en place par Nicolas Sarkozy, devait jouer ce rôle. Mais on en est encore loin.
La loi de 1905 ne permet aujourd’hui pas officiellement à l’Etat français de gérer le financement des lieux de culte. Les dirigeants favorables au concordat estiment que ce dernier permettrait d’éloigner le culte musulman des influences extérieures. Jean-François Copé expliquait par exemple qu’il fallait « créer un institut de formation des imams, consacrer la reconnaissance de la communauté musulmane française dans les cimetières, poser le principe d’un programme de construction de lieux de culte musulmans (…) dont le financement serait assuré par un fonds, géré par la Caisse des dépôts et alimenté par les dons des musulmans de France. »
Les sénateurs contre un concordat
Le concordat, s’il allait dans ce sens, serait « donnant-donnant », proposait Jean-François Copé il y a deux ans. En contrepartie, les instances dirigeantes de l’Islam devraient, insistait-il, s’engager à « défendre les règles républicaines. » Pour Copé, cela implique le fait d’accepter d’interdire le voile ou de réaliser des prêches en français. Un rapport des sénateurs estimait pour sa part qu’il ne fallait pas revenir sur la loi de 1905. C’est également l’avis de Rachid Benzine suite aux propositions faites par l’institut Montaigne à l’équipe de campagne du candidat Macron en fin d’année dernière. L’institut proposait alors, dans un mail envoyé à l’équipe d’Emmanuel Macron, l’extension du « concordat à l’Islam en Alsace-Moselle afin d’assurer la formation des cadres religieux musulmans en France. » L’islamologue Benzine estimait alors qu’un débat sur le concordat amènerait à la disparition de cette « anomalie » alsacienne qui n’est, aujourd’hui, qu’un « héritage de l’histoire. »
Emmanuel Macron a repris cette idée à son compte en évoquant la possibilité de mettre en pace « un nouveau Concordat. » Ces derniers jours, plusieurs personnalités politiques se sont positionnées pour un concordat généralisé en France. Jean-Christophe Lagarde, patron de l’UDI, estime que cela peut « permettre à l’Islam de s’organiser. » Seulement, nous ne sommes plus en 1801, date à laquelle le concordat a été maintenu en Alsace-Lorraine. Enfin, mettre en place cette mesure simplement pour les besoins d’un culte, en l’occurrence l’Islam, stigmatiserait encor plus une population qui n’en a pas besoin. Imaginez par exemple des imams salariés par la République… On serait loin de l’esprit de la loi de 1905. Mais en parlant de « nouveau concordat », Emmanuel Macron a certainement une autre idée en tête : il compte certainement sur l’un de ses proches, Hakim El Karoui, pour lui souffler quelques nouvelles idées qui permettraient à l’Etat de gérer, sans avoir à demander à la communauté musulmane, l’Islam en France.