Pas sûr que la nouvelle réconforte un tant soit peu Cédric Herrou, condamné en France à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants clandestins à traverser la frontière via la Vallée de la Roya, dans l’arrière-pays niçois. De l’autre côté des Alpes, c’est un curé d’origine érythréenne, Mussie Zerai, populaire en Italie pour son engagement envers les réfugiés qui se trouve sous le coup d’une enquête pour un délit similaire « de solidarité ». « Le matin du 7 août, j’ai reçu du procureur de Trapani [en Sicile] la nouvelle de l’ouverture d’une enquête judiciaire contre moi », a écrit le religieux sur son blog, dans un post qu’il a intitulé « La solidarité n’est pas un crime ». Un article dans lequel il réaffirme avoir agi à des fins exclusivement humanitaires et de manière totalement transparente. Ce catholique au sourire chaleureux né il y a 42 ans en Erythrée – où il a grandi sans ses parents – s’est installé en Italie en 1992. Ayant intégré un centre de jésuites, il a, depuis sa jeunesse, toujours aidé les plus défavorisés, comme les migrants échoués à la gare Termini de Rome. Son entrée dans les ordres ne l’a pas pour autant éloigné des réalités du terrain ; il a d’ailleurs fondé Habeshia, une ONG surnommée « la sauveteuse de migrants », devenue célèbre en Italie pour ses services d’assistance téléphonique aux réfugiés qui traversent la Méditerranée, en lançant l’alerte aux autorités de secours en cas de danger imminent. Rien de très extraordinaire, au final, pour un homme dont le prénom est une forme de Moïse, le prophète qui, enfant, a été sauvé des eaux du Nil…
Proposé au prix Nobel de la Paix 2015
Depuis son lancement en 2004, l’association de Zerai reçoit plusieurs dizaines d’appels par jour, depuis les portables de migrants égarés en haute mer. « Dans ces cas », écrit-il sur son blog, « nous transmettons systématiquement les coordonnées géographiques à des ONG comme Médecins Sans Frontières, Sea Watch ou Watch the Med. Mais auparavant, nous avisons toujours les garde-côtes italiens et maltais. » Un engagement qui lui a valu d’être recensé par la revue Time parmi les 100 personnalités de l’année 2016. En 2015, son nom avait même été proposé pour le prix Nobel de la Paix. Mais cette année, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées en Italie pour dénoncer sa complicité et son encouragement de l’immigration illégale, dans un pays submergé par les flux ininterrompus de migrants – et, il faut l’avouer, laissé à lui-même par ses partenaires européens. Le parquet italien a décidé d’ouvrir une enquête sur la suspicion que Mussie Zerai était contacté par les voyageurs avant même d’embarquer, et non pas en cours de traversée. La découverte d’un groupe créé sur la messagerie instantanée WhatsApp, aurait mis en évidence de conversations directes entre le curé et des membres d’ONG pour la coordination des secours, tout en court-circuitant les autorités italiennes et libyennes. Des suspicions qui demeurent de simples hypothèses, mais qui font le bonheur des partisans des partis nationalistes, comme la Ligue du Nord ou le Mouvement 5 Etoiles.