Ce lundi, la France commémore l’exécution de ses ressortissants d’origine algérienne un jour d’octobre 1961. Un épisode sur lequel l’Etat a du mal à faire toute la lumière.
Ce fut sans doute « la répression d’Etat la plus violente qu’ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine », selon l’historien Gilles Manceron, auteur de « La triple Occultation d’un massacre ». Le 17 octobre 1961, à quelques mois de la fin de la guerre d’Algérie, un couvre-feu avait été imposé à Paris à l’encontre des « Français musulmans d’Algérie. » Voulant protester contre cette décision discriminatoire, de nombreux Français d’origine algérienne ont bravé les recommandations du préfet de police, Maurice Papon, pour défiler. La répression policière a provoqué un bain de sang sans précédent. On ne connaît pas le nombre de victimes — elles pourraient être plus d’une centaine, voire deux-cents —. Aujourd’hui, plusieurs commémorations sont organisées, dans une indifférence presque généralisée en France.
Papon, Debré, de Gaulle. Tous coupables ?
Ce massacre du 17 octobre 1961 a en effet mis très longtemps avant d’être évoqué par les dirigeants politiques. Mais aujourd’hui encore, les familles des victimes attendent que la lumière soit faite pour ce jour sombre de l’histoire de France. « Plusieurs manifestants avaient été jetés dans la Seine. On aimerait que le gouvernement reconnaisse ce genre d’action pas très républicaine », explique la Ligue des droits de l’homme citée par Ouest-France. « Ce jour-là, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement, en habit du dimanche, avec femmes et enfants contre le couvre-feu discriminatoire imposé par le préfet de police de l’époque, Maurice Papon », résume la Ligue, qui rappelle que « des corps jetés dans la Seine furent retrouvés à Rouen, les mains attachées dans le dos. »
Pour l’historien Gilles Manceron, cité par Le Monde, déplore la « volonté de faire le silence de la part des autorités françaises », qui ont été « impliquées dans l’organisation de cette répression », par l’intermédiaire du préfet de police de la Seine, Maurice Papon, du Premier ministre, Michel Debré, et de Roger Frey, le ministre de l’Intérieur de l’époque. L’historien n’hésite pas non plus à rappeler que le général de Gaulle a « voulu tirer le rideau sur cette affaire et fait en sorte que les Français passent à autre chose. » En 2011, Gilles Manceron assurait que plusieurs communes, dont Paris, avaient reconnu leur responsabilité dans ce massacre. Mais, déplorait l’historien, « de la part de l’Etat, il n’y a toujours aucun signe de reconnaissance. » En ne proposant pas de célébration digne de ce nom, l’Etat continue à nier ce qui fut une exécution en règle de plusieurs dizaines de ses citoyens.