Les attaques des hommes politiques contre l’Islam nuisent-elles à la lutte antiterroriste ? C’est en tout cas l’avis du patron des renseignements en Australie, Duncan Lewis. Ce dernier avait, dans son viseur, l’ancien Premier ministre du pays, Tony Abbott, qui s’est lâché dans un édito écrit dans le Daily Telegraph.
Il y écrivait, mercredi, que « toutes les cultures ne sont pas égales. » Il parlait notamment de « supériorité » de la culture occidentale sur la culture islamique. « L’islam n’a jamais connu sa propre version de la Réforme et des Lumières, et l’acceptation consécutive du pluralisme et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat », ajoute Tony Abbott.
Les discours politiques sont stériles
Comme en France et aux Etats-Unis, les critiques visant l’Islam sont nombreuses. Mais ce qui gêne le patron des renseignements australiens, c’est que ces critiques proviennent de personnes exerçant – ou ayant exercé – des responsabilités politiques. La sortie de Tony Abbott – qui jugeait l’Islam comme « un gigantesque problème » – n’a pas plu à Duncan Lewis qui, selon le journal local The Australian, aurait contacté les membres de la coalition conservatrice au pouvoir. Il leur aurait fait une demande claire : celle de « se calmer » dans leurs prises de parole sur l’Islam.
Selon le directeur général des renseignements, ces prises de paroles stériles, qui n’ont pour objectif que d’attiser les tensions entre les différentes communautés tant ils sont des discours islamophobes, l’empêchent de travailler efficacement contre le terrorisme de Daech. Une prise de position comprise par les membres du gouvernement, puisque la ministre des Affaires étrangères, Julie Bishop, a affirmé que, « si le directeur général de l’ASIO estime que le débat public risque d’entraver le travail de son organisation dans l’antiterrorisme, alors il doit bien sûr le faire savoir. » Pour Duncan Lewis, « il appartient à l’Australie et aux Australiens de reconnaître qu’un retour de flammes peut être très, très dangereux. »
Calmer les discours haineux des politiques
Un discours qui n’est pas sans rappeler celui, très sage, du juge Marc Trévidic, autrefois chargé de l’antiterrorisme en France. Il indiquait, dans une interview, que « ceux qui partent faire le djihad agissent ainsi à 90 % pour des motifs personnels : pour en découdre, pour l’aventure, pour se venger, parce qu’ils ne trouvent pas leur place dans la société… Et à 10 % seulement pour des convictions religieuses : l’islam radical. » Mettant fin ainsi à l’amalgame entre l’Islam et l’islamisme, en assurant que « la religion n’est pas le moteur de ce mouvement. » Et démontrant une fois de plus que la politique utilise le sujet de l’Islam à des fins électoralistes.