« La laïcité va mal. » Le constat effectué par de nombreuses personnalités des mondes politique, artistique, scientifique, associatif ou militant, qui ont décidé de publier une pétition, est sans appel. Alors que fleurissent des mouvements — comme le Sursaut ou le Printemps républicain — qui prônent une laïcité dévoyée, les signataires de cette pétition appellent « à la plus grande vigilance contre toute tentative de détourner la laïcité de ses objectifs. » La date n’a pas été choisie au hasard : dans quelques jours, le 9 décembre, la France fêtera les cent-onze ans de la promulgation de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat. Sur le document, on peut apercevoir des noms de tous horizons, de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière à Jean-Luc Romero, en passant par Jean-Luc Mélenchon ou encore par l’historien Benjamin Stora.
Une laïcité à deux vitesses qui inquiète.
Tous dénoncent une laïcité « malmenée, manipulée, vilipendée. » Ils rappellent que la laïcité est, à la base, un « principe de paix », même si elle est aujourd’hui « devenue sujet de discorde » auquel on « assigne des fins identitaires. » Les auteurs de ce texte rappellent pourquoi il est dangereux que la laïcité soit devenue un enjeu politique : « L’extrême-droite, de tradition pourtant anti-laïque depuis toujours, veut s’approprier le mot pour mieux distiller son venin xénophobe, peut-on lire. Hier les juifs, les arabes, aujourd’hui les musulmans. On ne peut se réclamer de la laïcité, quand on condamne les prières de rue, quand elles se font aux abords des mosquées, mais qu’on les soutient quand il s’agit de l’église Sainte Rita.
Notamment parce que derrière se principe se cache en réalité bien souvent une volonté de s’attaquer à l’Islam. « Non, l’Islam ne serait pas par nature plus hermétique aujourd’hui à la laïcité que ne l’était le culte catholique en 1905. La laïcité n’a pas à s’adapter à une religion, de même qu’aucun croyant ne peut réclamer de droits particuliers », écrivent les initiateurs de cette appel, qui affirment haut et fort que « la République est séparée des religions, elle n’a pas à organiser les cultes. » Même si, admettent-ils, il existe des « divergences d’analyse », ils appellent à « un front commun autour des fondements de la laïcité républicaine, telle que définie par la loi de 1905. » « Être laïque, c’est reconnaître que l’État assure en même temps la liberté de conscience — croyant et non croyant — et le libre exercice des cultes. »
« Vive la laïcité, celle de 1905 »
Elu de Saint-Denis, Madjid Messaoudene nous explique pourquoi il a décidé de répondre à cet appel. « J’ai signé parce qu’à l’approche des cent-onze ans de cette loi, il était nécessaire de rappeler certains fondamentaux : la laïcité, si elle ne favorise aucun culte, n’en discrimine aucun non plus. » Or, note l’élu du Front de gauche, « on note une utilisation dévoyée de la laïcité à des fins anticléricales, plus précisément islamophobes, quand par exemple certaines personnes comme Valls ou Sarkozy veulent interdire le voile à l’université ou dans l’espace public. » Ce dévoiement de la laïcité est, assure Madjid Messaoudene, « l’opposé de la laïcité qui ne s’oppose en rien à l’expression religieuse ou politique dans la rue. » En effet, rappelle l’élu, « la laïcité protège croyant(e)s et non croyant(e)s, et on doit la préserver contre les attaques à droite, mais aussi à ‘gauche’, à l’image de l’offensive du Printemps républicain. » « Vive la laïcité, celle de 1905 », conclut-il.