C’est une salle d’audience flambant neuve, spécialement construite à la prison de Sincan (près d’Ankara) et protégée par un important dispositif de sécurité, qui abrite depuis hier le plus grand procès intenté aux 330 personnes – majoritairement membres des forces armées – accusées d’avoir trempé dans le coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016 contre Recep Tayyip Erdogan. Si les accusés n’encourent plus la peine de mort, abolie depuis 2004, ils demeurent néanmoins sous le coup de peines d’emprisonnement pouvant aller à la perpétuité. Des peines plus que probables, si l’on en juge par les charges avancées : « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » et « appartenance à une organisation terroriste ». Selon l’agence de presse publique Anadolu, 243 des 330 accusés sont déjà en détention provisoire.
Perpétuités en vue
Premier à passer devant les juges, le cadet Abdülkadir Kahraman a affirmé que la nuit du coup d’Etat, les troupes avaient reçu des munitions après avoir été informées par leur supérieur qu’une attaque terroriste était en cours. D’autres accusés ont suivi cette version, parmi lesquels Arif Ozan Demir, dont le commandant aurait demandé à ses soldats de « se tenir prêts ». Un autre élève officier, Ahmet Tamur, cité par Anadolu, a assuré pour sa part qu’un lieutenant-colonel lui a dit : « Il y a des attaques dehors, vous devez assurer la sécurité de la population. Nous nous sommes entraînés pour ce jour : si nécessaire, utilisez vos armes ». Tamur a en outre ajouté que « dans la population, il y a des gens qui nous attaquaient et d’autres, qui nous protégeaient ». Le procès entamé hier à Sincan est le dernier d’une longue série en cours. Le plus grand procès organisé jusqu’alors était celui qui avait débuté en janvier à Erzurum, au nord-est de la Turquie, contre 270 présumés putschistes. Et la semaine dernière, c’est à Mugla (à l’ouest de la Turquie) qu’un procès a été organisé contre 47 personnes accusées d’avoir voulu séquestrer ou tuer le président Erdogan durant cette nuit du 15 juillet. De toute cette série de procès – intentés contre de présumés sympathisants du prédicateur exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, qu’Erdogan considère comme le cerveau de l’opération – un a pour le moment débouché sur une condamnation à la perpétuité contre deux soldats d’Erzurum.