« J’ai bien analysé les arguments pour et contre et j’ai décidé de ne pas accepter cette proposition. J’appelle le PSD à en soumettre une autre. » Sans apporter davantage de précisions, Klaus Iohannis, le président roumain, a formellement annoncé à la télévision publique qu’il ne nommerait pas Sevil Shhaideh au poste de Premier ministre. Suggérée par le PSD vainqueur des législatives du 11 décembre dernier, Shhaideh, si elle avait été confirmée, aurait été une double première : à la fois première femme et première musulmane à occuper un poste aussi élevé en Roumanie, pays membre de l’union européenne.
Le rejet du président roumain est-il motivé par l’islamophobie ? La tentation de répondre par l’affirmative est grande mais probablement peu – ou incomplètement – fondée. Le nom de Shhaideh avait été proposé à la place du candidat naturel et leader du PSD, Liviu Dragnea, encore sous le coup d’une condamnation pour fraude lors d’un scrutin antérieur. Or, Shhaideh est encore une « bleue » en politique, n’ayant servi que durant cinq mois comme ministre du Développement avant la démission du gouvernement – déjà dirigé par le PSD – il y a un an. Ajouté à sa proximité avec Dragnea, qui a été témoin à son mariage, la femme politique est considérée comme une simple marionnette entre les mains de son chef de parti.
Liaisons dangereuses avec Bachar Al-Assad ?
Au-delà de ces considérations politiciennes, une autre relation a dû jouer en sa défaveur, parmi les plus proches : son mari, un Syrien qui a exprimé à plusieurs reprises son soutien au président Bachar Al-Assad et au Hezbollah libanais. Ancien ministre de l’Agriculture en Syrie durant 20 ans, il a quitté son pays en 2011 – année durant laquelle il a rencontré et épousé Sevil Shhaideh – et a endossé un rôle de conseiller au ministère roumain de l’Agriculture, avant d’être naturalisé en 2015. Un analyste politique roumain, Andrei Ţăranu, estime que le rejet de la nomination de l’ancienne ministre est probablement « lié à des questions de sécurité nationale, ce que ni l’Union européenne, ni les Etats-Unis n’auraient de toute façon vu d’un très bon oeil ».
Désormais, la balle est dans le camp du PSD. Même si beaucoup de cadres du parti, indignés, ont appelé à la démission du président Iohannis, la décision de ce dernier est on ne peut plus constitutionnelle, à défaut d’être légitime : soit le parti présente un nouveau candidat, soit de nouvelles organisations devront être organisées si un second refus lui est opposé. Le feuilleton ne fait que commencer.