C’est peut-être l’un des enseignements des propositions faites par Hakim El Karoui — dont le prénom signifie en arabe « Celui qui est sage et juste » : en voulant mettre la main sur le financement du culte musulman, le consultant spécialisé dans le monde arabe et l’Islam de l’institut Montaigne est peut-être en passe de réussir quelque chose de grand : faire l’unanimité… contre lui. Il est rare de voir la communauté musulmane, dans toutes ses composantes, unie. Et pourtant : les responsables musulmans en ont rêvé, Hakim El Karoui l’a fait ! Des militants de terrain aux instances officielles, des Français d’origine algérienne aux Turcs, des musulmans de gauche à ceux de la droite… L’ancien banquier de chez Rothschild a réussi à concentrer les critiques contre lui grâce à (ou à cause de) sa volonté à vouloir mettre en place une version colonialiste du culte musulman. A se demander si le normalien n’est pas en service commandé pour créer une unité musulmane que l’on croyait perdue.
Il faut dire que les propositions farfelues de Hakim El Karoui ont de quoi faire bondir : création d’un secrétariat d’Etat à la laïcité et aux cultes, mise en place de statistiques religieuses ou encore extension du Concordat… Celui qui se rêve en Monsieur Islam de France n’a pas hésité à avancer des hypothèses toutes plus contraires à la loi de 1905 les unes que les autres, à quelques exceptions près — comme la proposition de création de carrés musulmans dans les cimetières de France. De façon paternaliste, loin des préoccupations des musulmans sur le terrain et avec une arrogance incroyable : Hakim El Karoui a surtout tenté de se frayer un chemin en écrasant ceux qui pouvaient lui faire de l’ombre. Le CFCM ? « Il a montré ses limites. » Marwan Muhammad ? « Il est sur un terrain victimaire. » L’UOIF ? Elle a « un discours islamiste. » Pour le normalien, le salut de l’Islam de France passe forcément par lui. « Un islam français est possible », écrivait d’ailleurs en 2016 Hakim El Karoui dans son rapport. Oui, mais certainement sans lui.